Ici, à Paris, au 104, la Galleria Continua est déjà un peu chez elle. Sans savoir quels liens elle a tissé avec ce lieu, elle y expose déjà plusieurs de ses artistes dont l’un des plus médiatiques, le camerounais Pascale Marthine Tayou. Sur la verrière de l’entrée, son œuvre « Open Wall » vous accueille avec une centaine d’enseignes lumineuses affichant toutes le même mot traduit dans plusieurs langues: « ouvert ». Une installation qui donne le ton à tout ce corps de bâtiments: ouvert sur le ciel, ouvert d’esprit, ouvert à tous et ouvert à de nouvelles expériences. Des jeunes y dansent, d’autres répètent du théâtre, des artistes y sont en résidence alors que des familles se promènent et que des parisiens venus d’autres arrondissements se retrouvent pour prendre un verre. Née avec cette même idée que les frontières doivent s’estomper la « Galleria Continua » a donc logiquement choisi cette adresse pour fêter son 25ème anniversaire avec l’exposition « Follia Continua! ».



L’aventure Galleria Continua commence en 1990, avec 3 amis: Lorenzo Fiaschi, Mario Cristiani et Maurizio Rigillo. Ils inaugurent leur première galerie là où on n’en attend pas forcément une: un ancien théâtre, devenu cinéma, à San Gimignano, commune toscane de 7000 habitants (un peu plus l’été). En 2004, deuxième ouverture, à Pékin cette fois, avec l’idée d’exposer des artistes internationaux dans un pays où l’habitude est plutôt de montrer de l’art chinois aux chinois. 2007, troisième ouverture, là encore, dans un lieu peu commun, d’anciens bâtiments dont certains ont hébergé une papeterie, situés en Seine-et-Marne à Boissy-le-Chatel. Loin des quartiers à galeries de la capitale, elle dispose sur plusieurs dizaines de milliers de mètres carrés d’espaces pouvant accueillir de grandes présentations monographiques et des installations monumentales. Y est développé un nouveau concept d’expositions, « Sphères », en partenariat avec d’autres galeries et permettant aux artistes de rayonner plus fort à travers le monde. 2015, l’aventure continue, là encore loin des épicentres de l’art contemporain, avec la Havane.
À travers ce cheminement, la Galleria Continua tente de casser certains clichés véhiculés par tant de galeries installées en grappe dans certains beaux quartiers pour mieux cueillir leur clientèle. Pour la « Galleria Continua », l’idée est plutôt d’élire domicile dans des lieux retirés, de créer d’autres liens avec les habitants, les institutions et les artistes mais également d’apporter l’art contemporain là où il n’est pas présent. Et c’est peut être pour ça qu’entre Galleria Continua et le 104, le courant passe. Implanté dans un quartier populaire du 19ème, loin des galeries et des hotspots de Paris, ce lieu semble lui aussi avoir pour mission d’effacer les frontières.



Alors, qu’en est-il de cette « Follia Continua! »? Soulignons tout d’abord que les 48 artistes présentés viennent de partout, Liban, Chine, Brésil, Argentine, Grèce, Egypte, Allemagne, Bulgarie, Japon, Jamaïque… Le contraire aurait été étonnant. Tous sont représentés par la Galleria Continua. Leurs œuvres ont été choisies « sur des coups de cœur » d’après Lorenzo Fiaschi, sans chercher à créer de thématique mais plutôt avec la volonté d’habiter ce lieu qui, toujours selon Lorenzo Fiaschi, est un peu comme « un corps humain qu’il faut faire vivre. ». Malgré son titre, le visiteur n’est donc pas convié à voir des œuvres qui traitent de l’euphorie ou de la démence. Cette notion de folie s’exprime plutôt à travers une série de grands écarts qui rendent cette proposition assez unique. Grand écart entre les générations d’artistes: naissance en 1925 pour la peintre Etel Adnan et en 1985 pour le peintre José Yaque. Grand écart entre les œuvres: la sculpture d’Antony Gormley doit probablement peser une tonne alors que le cœur de l’installation d’Anish Kapoor est une tornade constituée de microparticules. Grand écart entre les scénographies: le plein air pour les 670 bicyclettes d’Ai Weiwei et l’obscurité totale pour les dépouilles de chevaux de Berlinde De Bruyckere. Et c’est sans compter sur la grande richesse des mediums utilisés et la nature même des œuvres: tapisserie pour Kiki Smith, toile brûlée pour Cai Guo-Qiang, mouches en plastique pour les Kabakov ou ustensiles de cuisine pour Subodh Gupta.
Racines obligent, l’Italie est sur-représentée avec des artistes qu’on pourrait qualifier d’historiques comme Michelangelo Pistoletto et beaucoup d’autres qu’on a rarement vus en France. Parmi eux, Loris Cecchini et son nuage en balles de ping-pong, Serse et ses dessins hyperréalistes ou encore Arcangelo Sassolino et sa mâchoire mobile, sorte d’embryon robotisé qu’on verrait bien au bout d’une grue et qui dans ses déplacements aléatoires laisse des griffures blanches assez étonnantes.



Rappelant le concept de l’exposition « Happy Birthday » célébrant les 25 ans de la Galerie Emmanuel Perrotin au Tri Postal de Lille, on espère que cette « Follia » sera contagieuse et qu’elle donnera naissance à d’autres projets aussi fous.
« Follia Continua! » jusqu’à 22 novembre 2015 au 104 – 5 rue Curial – Paris 19ème, du mercredi au dimanche de 14h à 19h et pendant les vacances scolaires du mardi au dimanche de 14h à 19h.










