Basée à Montreuil, Magdalena Lamri est une jeune femme, une jeune mère et une jeune peintre. Née en 1985, elle a étudié les techniques de la fresque et du décor à l’École Nationale Supérieure d’Arts appliqués Olivier de Serres (Paris). Après l’obtention d’un diplôme de Décor architectural, Magdalena Lamri n’a pas eu le choix. Peindre c’était obligatoire. Elle a donc quitté tous les sentiers battus pour plonger dans les méandres de ses tripes. Travaillant d’arrache pied avec l’honnêteté d’une femme sans peur (regard franc, droit, planté dans celui de l’observateur), l’artiste exhibe les plis de son âme sous le couvert de sa chair.
Une des premières choses qu’on se dit en voyant Magdalena Lamri en chair et en os c’est qu’elle est bien plus en os qu’en chair. Qu’on connaisse déjà ses peintures ou qu’on les découvre ensuite, le choc esthétique est tel qu’on sursaute. En effet, les corps de ses tableaux ont quelque chose de disproportionné, un traitement qui n’est pas sans rappeler celui des maîtres Lucian Freud et Jenny Saville. Certaines peintures, saisissantes de réalisme, déstabilisent l’observateur. Le trait fin de l’artiste que l’on voit particulièrement dans ses dessins, un sens du détail exacerbé sont la source de ce rendu. Mais si elle doit sa technique à sa formation, sa posture, elle, est propre à son genre: féminin. Un genre dont le corps est si souvent représenté par des photographies d’égéries squelettiques que la femme du quotidien se voit et se sent énorme, dégoulinant de chair et d’entrailles là où on lui demande d’être belle et – surtout – de se taire. C’est pourquoi il faudrait revenir à un autre « maître » de la peinture pour saisir l’étendue du propos. Si le rapprochement n’est pas évident au niveau chromatique, la posture du sujet et son traitement est parfois comme un écho lointain des travaux d’une Frida Khalo dont le peintre Diego Rivera, son mari, disait que ses « toiles révélaient une extraordinaire force d’expression, une description précise des caractères et un réel sérieux. Elles possédaient une sincérité plastique fondamentale et une personnalité artistique propre. Elles véhiculaient une sensualité vitale encore enrichie par une faculté d’observation impitoyable, quoique sensible ». Propos que l’on pourrait littéralement transposer aux travaux de Magdalena Lamri. Faculté d’observation impitoyable jusque dans les détails d’expressions rendues au plus proche du sentiment originel: crainte, peur, dédain, offrande…
Le bestiaire qui envahit les toiles de l’artiste: faons, oiseaux, lapins, papillons… semble d’abord renvoyer à la maternité, expérience que Magdalena Lamri vit depuis maintenant plus d’un an et qui envahit toutes les couches de son travail. Il y a en effet quelque chose de doux et de rassurant dans l’univers qui nous est présenté, une impression onirique appuyée par le choix d’une palette chromatique pastel. L’enfant de l’artiste est représenté dans de nombreuses toiles de la série Contes Curieux et son regard s’offre comme celui de sa mère, franc. Direct. On pense aux multiples représentations de la maternité dans l’iconographie religieuse. La mère à l’enfant. Le sacré. La magie de la vie. Reste que les animaux perturbent: quand ils ne sont pas tronqués par l’artiste ou mêlés au corps de l’humain, on remarque leurs os émergeant du dessin et révélant une emprise de la carcasse sur la vie. Comme une espèce de vanité camouflée, les animaux sont Fragiles (autre série poignante) – ils ont par exemple pour caractéristique commune d’appartenir à la grande catégorie des proies, à l’échelle du règne animal. Ils sont ex(l)posés sur la toile comme l’est l’intime du peintre: à la merci de notre regard, offerts à toutes nos interprétations.