Un entretien Boum! Bang!
Né en 1983, Lucas Foglia n’a eu besoin que de deux séries « A Natural Order » et « Frontcountry » pour être exposé aux États-Unis et en Europe. Originaire de Long Island, il a grandit dans un milieu rustique et sauvage aujourd’hui envahi par l’urbanisation. Son travail est motivé par le désir de raconter des histoires, et de donner une compréhension de la terre comme ressource primordiale à l’Homme. Lucas Foglia est donc parti à la rencontre de personnes, vivant dans des terres américaines reculées et dans des communautés villageoises, pour les observer vivre loin de l’Amérique urbaine et moderne. Entretien avec ce photographe américain qui capture joliment ses sujets, à la recherche du fondement de leur nature humaine et de leur environnement.
B!B!: Comment êtes-vous parvenu à la photographie?
Lucas Foglia: J’ai commencé à prendre des photos à l’âge de quinze ans, lorsque je vivais avec ma famille dans une ferme à Long Island, dans l’État de New York. Je devais larguer une fille nommée Jenny pour pouvoir sortir avec une fille appelée Rachel. Cette dernière s’est éloignée, et les amis de Jenny ont cessé de me parler. Ma mère m’a alors donné un appareil photo en me disant que c’était un moyen pour rencontrer des gens et raconter des histoires. À dix-huit ans, j’ai rencontré le photographe Arnold Newman. Il a vu mes photos et m’a invité à les imprimer dans son studio new-yorkais. Plus tard, j’ai étudié la photographie à l’Université de Brown, à l’École de Design de Rhode Island (RISD) et à l’Université de Yale.
B!B!: Quelles sont vos influences?
Lucas Foglia: Wendell Berry, je regarde ses livres sur la photographie depuis mon adolescence. Il y a aussi Robert Adams, Robert Frank, Garry Winogrand, Sally Mann, Jackie Nickerson, Stephen Shore, Joel Sternfeld, Katy Grannan, Richard Mosse et j’en passe. Je suis influencé par les écrivains, les peintres, les sculpteurs et les cinéastes autant que par les photographes.
B!B!: Dans votre première série « A Natural Order », vous avez voyagé dans le sud des États-Unis à la rencontre de personnes vivant en autarcie. Parlez-moi de ce projet.
Lucas Foglia: De 2006 à 2010, j’ai voyagé à travers le sud des États-Unis pour photographier et interviewer un réseau de personnes, avec qui je me suis lié d’amitié, qui ont quitté les villes et les banlieues pour vivre hors des « grilles ». Motivés par les préoccupations environnementales, les croyances religieuses ou encore la récession économique mondiale, ils ont choisi de construire leurs maisons à partir de matériaux locaux. Ils récupèrent leur eau dans des sources à proximité et chassent, recueillent et cultivent leur propre nourriture. Tous ces gens, capturés dans mes photographies, travaillent pour le maintien d’un mode de vie autonome, mais sans que cette vie ne soit pour autant vécue dans un isolement complet. Beaucoup d’entre eux ont des sites web, qu’ils mettent à jour en utilisant des ordinateurs portables et des téléphones cellulaires qu’ils chargent sur des batteries de voitures ou des panneaux solaires. Ils ne rejettent pas complètement le monde moderne. Ils font plutôt le choix de partir loin de chez eux en triant les choses qu’ils souhaitent emmener avec eux.
B!B!: Qu’est-ce qui vous intéresse dans le fait de rencontrer des gens qui vivent coupés de toute civilisation?
Lucas Foglia: Ces familles et communautés vivent comme ils le peuvent au plus près de la nature. Pour les gens que je photographiais, cette impulsion était positive et proactive.
B!B!: Dans votre série « Frontcountry », vous êtes allé dans l’ouest des États-Unis dans les régions les moins peuplées… Ici, les Hommes dominent la nature, contrairement à votre série « A Natural Order ». Vous mettez ici en relation le secteur minier et les fermes. Parlez-moi de ce deuxième projet.
Lucas Foglia: Entre 2006 et 2013, j’ai parcouru l’Idaho rural, le Montana, le Nevada, le Nouveau-Mexique, le Texas et le Wyoming, quelques unes des régions les moins peuplées des États-Unis. « Frontcountry » est un compte photographique de personnes vivant dans le milieu en plein boom du développement minier et énergétique, transformant l’ouest américain contemporain. Le projet a été publié l’année dernière par Nazraeli Press et exposé à la Michael Hoppen Gallery à Londres.
B!B!: Votre travail est une recherche sur la relation entre la nature humaine et son environnement. Parlez-moi de ce thème fondamental dans vos travaux.
Lucas Foglia: Quand j’étais gamin, nous chauffions la maison avec du bois, nous élevions du bétail, conservions notre nourriture et troquions les plantes que nous faisions pousser contre tout; d’une paire de chaussures à un passage chez le dentiste. À bien des égards, ce mode de vie a été ma première influence. La photographie m’a permis de raconter des histoires sur les gens et leur connexion à la terre.
B!B!: Quels sont vos futurs projets?
Lucas Foglia: Je préfère vous les montrer en personne!
B!B!: Donnez-moi votre vision du monde.
Lucas Foglia: Celle montrée dans mes photographies j’espère.
B!B!: Décrivez-moi une journée type.
Lucas Foglia: Cela dépend du jour et de l’endroit où je suis. Je tiens à passer du temps avec les gens que je photographie, à rester longtemps avec eux pour prendre part à la vie quotidienne qu’ils ont choisi. Mes photos préférées sont celles prises dans un moment décontracté où je réussis à leurs donner une sensation extraordinaire.