Tombé en désuétude au sein d’un XXIème siècle davantage ancré dans la pratique numérique et argentique, l’ambrotype, né dans la seconde moitié du XIXème dans la foulée du daguerréotype, est un procédé permettant l’obtention d’un négatif ou d’un positif permettant de s’assurer la maîtrise intégrale du cheminement photographique.
La pratique d’un tel procédé, particulièrement complexe et couteux, peut surprendre dans un monde obsédé par la profusion et l’aisance d’utilisation du médium photographique. Mais pour le vosgien Julien Félix, créateur aux côtés de son confrère et ami Éric Antoine du collectif des Ambrotypistes Associés, peu importe la contrainte technique si celle-ci peut permettre d’obtenir la satisfaction esthétique:
« Au départ, et après mon entrée aux Beaux-Arts d’Épinal, je faisais surtout de la photo argentique et numérique. Mais j’étais à la recherche d’une imagerie très particulière, qui me permettrait de brouiller les pistes et de ne donner aucune indication aux gens sur la période à laquelle aurait pu être prise telle ou telle photo. J’ai trouvé cet esthétisme avec l’ambrotype, et m’y suis accroché. »
Julien Félix, Série « Les heures préfèrent le silence pour fuir » ©
Julien Félix, Série « Les heures préfèrent le silence pour fuir » ©
Julien Félix, Série « Les heures préfèrent le silence pour fuir » ©
Julien Félix, Série « Un silencieux désordre » ©
Julien Félix, Série « Un silencieux désordre » ©
Julien Félix, Série « Un silencieux désordre » ©
Julien Félix, Série « Un silencieux désordre » ©
Julien Félix, Série « Far east » ©
Julien Félix, Série « Far east » ©
Julien Félix, Série « Far east » ©
Les pistes et les repères temporels ainsi brouillés, le travail de Julien Félix peut alors abandonner le cadre un peu restrictif que pourraient envisager ses clichés des paysages naturels qui l’entourent (ceux des Vosges et de sa verdure abondante, dont il avoue d’ailleurs avoir bien du mal à s’éloigner trop longtemps…), et se parer d’un voile énigmatique qui pourra, plutôt, évoquer aux yeux du profane un esthétisme évocateur d’ailleurs. Pas question pour lui de devenir un prétendant au poste de photographe officiel d’une agence de tourisme locale…
Sans doute influencé par le titre de sa série « Far East », l’esprit pourra dès lors se projeter vers un univers rappelant un Far West nord-américain sans cow-boys ni indiens, et simplement pénétré par l’impression d’authenticité naturelle vieillotte qui transparaît de l’imagerie d’Épinal liée aux mythes du bon sauvage et du bad visage pâle désireux d’un territoire qui n’est pas le sien.
Julien Félix, Série « Les restes… » ©
Julien Félix, Série « Les restes… » ©
Julien Félix, Série « Les restes… » ©
Julien Félix, Série « Les restes… » ©
Julien Félix, Série « Les restes… » ©
Julien Félix, Série « Les restes… » ©
Julien Félix, Série « Les restes… » ©
Julien Félix, Série « Les restes… » ©
Julien Félix, Série « Les restes… » ©
Julien Félix, Série « Les restes… » ©
Julien Félix, Série « Les restes… » ©
Julien Félix, Série « Les restes… » ©
S’il est aussi possible de mettre en liaison son œuvre avec celle de l’américain Ansel Adams, créateur au milieu du siècle dernier d’une photographie paysagiste particulièrement épurée, Julien Félix ne se contente pas pour autant de se faire l’instigateur d’une photographie exclusivement contemplative. Dans une série, cette fois-ci réalisée à l’argentique et faite d’une vingtaine de portraits (« j’aimerais au total en réaliser une centaine »), l’artiste se mute en effet en astucieux polémiste social, et dénonce sans emphase le sectarisme (pour ne pas dire la xénophobie…) qui demeure dans certains milieux ruraux, sans doute trop peu enclins à élargir le périmètre de leur esprit:
« Lorsque l’on vit dans des endroits très reculés, comme c’est mon cas, certaines personnes ont un rapport à l’étranger assez ambigu. Les gens sont entre eux, dans leur petite vallée, et ne supportent parfois pas tellement les gens qui viennent du dehors. Dans cette série de portraits, j’ai essayé de regarder autour de moi, dans mon environnement très proche, et ai photographié des algériens comme des sénégalais, des bons franchouillards comme des réfugiés politiques. Ils se trouve que toutes ces personnes ont le même accent et vivent au même endroit. »
Julien Félix, Série « Ici » ©
Julien Félix, Série « Ici » ©
Julien Félix, Série « Ici » ©
Vecteur d’une photographie sociale qui tend généreusement la main et l’œil à l’autre, Julien Félix n’en demeure pas moins nécessiteux d’une solitude ponctuelle qu’il contente par le biais de son activité photographique (« un solitaire social », comme il se qualifie lui-même). Un isolement géographique et intellectuel qui permet sans doute à son travail d’extraire cette poésie viscérale qui le caractérise, lui qui semblait résumer cette aptitude dans sa série la plus aboutie, qui énonce avec grâce et justesse que « Les Heures préfèrent le Silence pour fuir. »
Exposition Julien Felix
Du 12 avril au 25 mai 2014
Espace Saint-Louis, Bar le Duc