Y a-t-il un lien entre le « Cherchez le garçon » du groupe new wave Taxi Girl et le « Chercher le garçon » de Frank Lamy, commissaire de cette nouvelle exposition au MAC/VAL? Peut-être. Peut-être pas. En tous les cas, si le premier, tube de 1980, était minimaliste dans les mots et dans les notes, le deuxième est, au contraire, riche et complexe. Ce sont en effet les œuvres de pas moins d’une centaine d’artistes hommes qui sont présentées pour l’occasion.
Dès la première salle, il saute aux yeux qu’il va être question du masculin, du mâle, de l’homme et de l’homo qu’il s’agisse de peintures, de photographies, d’installations ou de vidéos. Très vite également, on constate que beaucoup d’œuvres semblent vouloir dézinguer la belle image de l’homme fort, fiable, courageux et couillu en proposant des visions alternatives de la masculinité. Au-delà de cette première impression, d’autres thématiques font surface: la transformation et la transgression, l’imitation et l’intimité, le fantasme et le fantastique…
Extrait. Quelques pas et nous voici face aux « Cochons pendus » de Patrick Raynaud, photographies de bodybuilders suspendus par les pieds présentées sur caissons lumineux derrière des portes comme de simples morceaux de barbaque. Dans cette position, l’homme, même bien bâti, a moins fière allure et devient objet de consommation plutôt qu’objet de désir. Plus loin, le soldat en prend pour son grade avec Alain Declercq qui fusille l’image du héros en se mettant en scène dans un portrait aux deux mains gauches. Charles Fréget, photographe spécialisé dans les grandes séries en uniformes dresse, quant à lui, les portraits des baigneurs des thermes de Rudas à Budapest: des vieillards quasi-nus, dont les corps fatigués, lourds, portent le poids du temps à l’image des fresques décrépies qui les entourent.
Cette déconstruction de l’image idéalisée de l’homme passe aussi par de nombreuses œuvres mettant en scène des travestis. Kader Attia présente ainsi simultanément dans son film « Collages » des extraits de vie de transsexuels à Paris, Alger et Bombay. D’autres artistes voyagent entre deux identités comme l’artiste suédois Tobias Bernstrup qui dans ses performances se présente tantôt en super héros tantôt en diva ou Gilles Barbier qui expose ici son double féminin en cire. D’autres artistes se travestissent eux-mêmes, parfois avec une simple perruque, parfois en se glissant dans la peau de la femme fatale. Certains nous transportent assez loin dans la pornographie et la vulgarité avec notamment le performer Tomislav Gotovac reproduisant les postures d’actrices de film porno. On est assez loin de l’érotisme plus sophistiqué de Bruce Nauman se filmant allongé et tenant dans sa main un néon qui n’est pas sans rappeler un phallus surdimensionné.
Qui dit homme, dit femme. Plusieurs artistes jouent donc les confrontations comme Denis Dailleux et ses portraits mères/fils où s’entrechoquent force et délicatesse. Il semble être ici question de la liberté d’utilisation du corps qu’il s’agisse du port du biceps ou du port du voile. Mais le corps de l’homme n’est pas toujours l’objet de l’œuvre. Florian Pugnaire et David Raffini nous montrent ainsi une sorte de carcasse évolutive de voiture dorée sortant d’un crash et qui grâce à un piston s’auto compresse à un rythme lent mais régulier. De tôle froissée il est aussi question avec Jean-Baptiste Ganne qui nous propose une étagère de trophées sportifs flagadas sous le titre « Détumescences », mot désignant le retour à la normale du pénis après érection. Au-delà, d’autres symboles du masculin ponctuent cette sélection avec un vitrail-pistolet, des panneaux de basket miniatures, des costards…
L’histoire de l’art et de ses grands représentants, hommes ou femmes, est aussi dans la ligne de mire. Maurizio Cattelan, garçon guignol, s’en prend à Lucio Fontana en transformant l’une de ses célèbres lacérations de toile en un grand « Z » qui n’est pas sans rappeler la fameuse signature de Zorro. Pascal Lièvre copie le dripping de Jackson Pollock en le féminisant grâce à des paillettes. L’artiste belge Emilio López-Menchero parodie l’une des plus célèbres photographies de Cindy Sherman en se mettant en scène dans une pose et dans des vêtements très similaires.
Et une fois ce premier repérage effectué, on se rend vite compte qu’il sera impossible de tout voir et de tout comprendre. En effet, dans cette recherche du garçon, parfois, on se perd. Certaines œuvres présentées vous donneront ainsi peut-être l’impression d’être trop perchées ou d’être hors-sujet. Ainsi, au-delà de leur forme phallique, que nous racontent les totems de Théo Mercier? Quels liens entre notre « Chercher le garçon » et cette photo minérale de Dove Allouche ou le « Mur couché » de Christophe Cuzin? Le visiteur-amateur ne les trouvera peut-être pas. Il appréciera ou pas ce labyrinthe dont les murs sont parfois un peu trop recouverts et où certaines œuvres, comme les dandys black de Yinka Shonibare MBE, sont un peu trop en hauteur. Il faudra donc être courageux, comme un homme se doit de l’être, bien s’accrocher devant cet accrochage ambitieux et se laisser plusieures heures pour espérer trouver tous les garçons de cette exposition.
Exposition « Chercher le garçon » jusqu’au 30 août 2015 au MAC/VAL, Musée d’Art Contemporain du Val-de-Marne situé à Vitry-sur-Seine. À voir également jusqu’au 5 juillet 2015, « Avec et sans peinture », sélection d’œuvres de la collection montrant de façon assez pédagogique la diversité de la peinture contemporaine avec notamment Daniel Buren, George Rousse, Felice Varini, Arman, César, Farah Atassi ou Jean Dewasne.
Artistes présentés dans l’exposition:
Soufiane Ababri, Vito Acconci, Boris Achour, Bas Jan Ader, Stéphane Albert, Dove Allouche, Carlos Amorales, David Ancelin, Kader Attia, Fayçal Baghriche, Gilles Barbier, Taysir Batniji, Jérémie Bennequin, Patrick Mario Bernard, Tobias Bernstrup, Jérôme Boutterin, Genesis Breyer P-Orridge, Alain Buffard, Chris Burden, André Cadere, Maurizio Cattelan, Brian Dawn Chalkley, Nicolas Chardon, Nicolas Cilins, Claude Closky, Florian Cochet, Steven Cohen, John Coplans, Didier Courbot, Christophe Cuzin, Denis Dailleux, Sépànd Danesh, Alain Declercq, Dector & Dupuy, Brice Dellsperger, Noël Dolla, Olivier Dollinger, Thomas Eller, Simon English, Simon Faithfull, Dan Finsel, Charles Fréger, Jean-Baptiste Ganne, Pippa Garner, Jakob Gautel, Douglas Gordon, Tomislav Gotovac, Rodney Graham, Ion Grigorescu, Alain Guiraudie, Joël Hubaut, Charlie Jeffery, Pierre Joseph, Michel Journiac, Dorian Jude, Jacques Julien, Jesper Just, Jason Karaïndros, Meiro Koizumi, Jiri Kovanda, Antti Laitinen, Alvaro Laiz, Matthieu Laurette, Leigh Ledare, Claude Lévêque, Pascal Lièvre, MADEleINe ERIC, Robert Mapplethorpe, Jean-Charles Massera, Florent Mattei, Emilio López-Menchero, Théo Mercier, Pierre Molinier, Kent Monkman, Jacques Monory, Yasumasa Morimura, Laurent Moriceau, Ciprian Mureşan, Bruce Nauman, Krzysztof Niemczyk, Oriol Nogues, Christodoulos Panayiotou, Carlos Pazos, Bruno Pelassy et Natacha Lesueur, Régis Perray, Philippe Perrin, Grayson Perry, Pierre Petit, Laurent Prexl, Prinz Gholam, Florian Pugnaire et David Raffini, Philippe Ramette, Patrick Raynaud, Hubert Renard, Santiago Reyes, Bertrand Rigaux, Didier Rittener, Lucas Samaras, Yinka Shonibare MBE, Florian Sicard, Pierrick Sorin, David Teboul, Laurent Tixador et Abraham Poincheval, Gavin Turk, Frédéric Vaesen, Jean-Luc Verna, Yan Xing.