C’est en découvrant le Land Art et le « Carré noir sur fond blanc » de Kazimir Malevitch que Georges Rousse, artiste né en 1947 à Paris, a eu l’idée de réaliser des œuvres créant une interaction inédite entre l’architecture, la peinture et la photographie.
À ses débuts, Georges Rousse est un photographe professionnel spécialisé dans l’architecture. Interpellé par les relations entre lieu, espace et lumière, il réalise dès le début des années 80 des photographies de ses propres œuvres: des compositions figuratives peintes à même les murs dans des lieux abandonnés. Déjà, les perspectives sont trompeuses et les personnages qu’il peint se confondent avec des modèles vivants qui posent sur la toile. Progressivement, son travail évolue vers une abstraction totale donnant lieu à des clichés étonnants où formes géométriques géantes et lieux mystérieux se mêlent, se superposent et se répondent.
Robert Smithson, Spiral Jetty, 1970 © Robert Smithson
Kazimir Malevitch, Carré noir sur fond blanc, 1915 © Kazimir Malevitch
Georges Rousse, Grands Moulins 2006, 2006 © Georges Rousse / ADAGP
Architecte? Photographe? Peintre? Georges Rousse préfère se définir comme un « artiste voyageur* » ou un « artiste nomade* ». Son appareil autour du cou, l’homme explore et repère les espaces dans lesquels il pourra par la suite intervenir: des bâtiments prêts à être détruits ou à êtres réhabilités et qui rapidement ne seront plus jamais les mêmes. En suivant un processus de travail long et complexe, il les transforme en espace pictural et y construit une œuvre éphémère unique, dont le seul témoignage sera une photographie.
Une fois l’endroit identifié, Rousse prépare son intervention avec des dessins et des notes. Puis, la forme pensée par l’artiste est reproduite dans le lieu grâce à un projecteur et de la peinture. Lorsque la préparation est achevée, une chambre photographique est disposée au même endroit que le projecteur pour réaliser un cliché de l’œuvre depuis le seul emplacement où elle est visible de la « bonne » manière. Plus à gauche, plus à droite, plus haut ou plus bas, l’œuvre prend une allure différente. Quelques millimètres suffisent pour qu’elle perde sa forme originelle, se décompose en fragments de couleur, se désunisse en laissant entrevoir le lieu qui l’héberge et devienne « illisible ».
Une fois le cliché réalisé, l’installation est souvent détruite.
Qu’il s’agisse de compositions simples ou complexes, son travail déclenche toujours chez le spectateur une envie de démêler le vrai du faux, de comprendre les superpositions de plans et de couleurs. Parfois, l’énigme semble même totalement insoluble et donc l’œuvre totalement irréalisable. Et pourtant, s’il est question de leurres dans le travail de Georges Rousse, il n’est jamais question d’artifices ou de manipulations informatiques comme on pourrait l’imaginer.
Georges Rousse, Chambord 2011, 2011 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, Le Blanc-Mesnil 2006, 2006 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, Chambéry 2008, 2008 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, Arles 1986, 1986 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, Casablanca 2003, 2003 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, Sargadelos 2001, 2001 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, Meisenthal 2002, 2002 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, Malakoff 2006, 2006 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, Le Blanc-Mesnil 2006, 2006 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, San Quilico 2009, 2009 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, Vitry 2007, 2007 © Georges Rousse / ADAGP
Au fil des années, l’artiste a exploré des centaines de lieux. Au grès de ses voyages et des commandes qu’il a reçu, il a également pu réaliser un grand nombre de variations autour du principe de base de son travail. La peinture, les pigments et la craie qu’il utilise fréquemment ont ainsi parfois été remplacés par du tissu, des aliments ou des clichés photographiques. Plus récemment, l’artiste a ajouté un volume, une dimension supplémentaire à ses œuvres en utilisant des poutres et des planches pour construire la forme qu’il souhaitait créer. Certaines de ses figures ont également été réalisées à l’aide du feu ou installées sur l’eau, surface originale servant alors de miroir. Et si l’on connaît surtout de Georges Rousse ses œuvres intégrant des formes géométriques simples, on connaît moins celles mettant en scène des mots souvent issus des carnets de notes de l’artiste ou les plans de villes détruites par la guerre ou par l’urbanisation.
Georges Rousse, Vitry 2007, 2007 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, Panauti 2005, 2005 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, Réattu 2006, 2006 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, Chambord 2011, 2011 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, Clermont-Ferrand 2008, 2008 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, Heidelberg 2010, 2010 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, Séoul 2000, 2000 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse, Clermont-Ferrand 2000, 2000 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse est notamment représenté par la Galerie RX. Son site personnel vous permettra de découvrir un grand nombre de ses photographies ainsi que ses dessins préparatoires. L’artiste dispose également d’une page facebook sur laquelle il publie des informations et des photographies relatives à ses interventions et à ses expositions.
* Propos recueillis dans « Conversation en chantier », un entretien entre l’artiste et l’historienne de l’art Jocelyne Lupien, disponible dans l’ouvrage « Georges Rousse – Tour d’un monde (1981 – 2008) » édité aux éditions Actes Sud.