Les femmes de Zhang Haiying sont des mixtes d’une escouade de « Madame Edwarda » au bordel de Georges Bataille et d’un parlement de (fausses?) vierges. Leurs jambes sont alertes et célèbrent à elles seules les charmes de celles qu’elles accompagnent dans leurs déplacements… Incorrigibles, ces égéries les exhaussent au besoin comme elles lèveraient le coude à la santé des voyeurs. Ouvrant la bouche elles ne laissent rien paraître et posent – insolentes et comme innocentes – face à ceux à qui elles mettent le feu dans un air de fête. Leurs cuisses dansent avant de s’envoler comme des anges que ces drôles d’oiseaux (hors-champ) emporteraient bien en gazouillant. D’autant qu’en habiles perverses elles redoublent de virtuosité cachée.
Mais parfois l’artiste chinois tire sur elles des rideaux (comme il tire leurs ficelles). Rien ne sert de lui demander des explications: il ne déplie pas des raisons. Ses femmes s’emboîtent en une belle anarchie sans que puisse se saisir un moindre sens. Paradant en mini-jupes ou déshabillés et dessous chics, elles deviennent des prêtresses capables de faire enfler des orgues à prières d’un genre particulier. Des Dieux ou des hommes elles ne redoutent pas le tonnerre. Et si elles entrent sur la pointe des pieds en feignant la soumission de femmes légères, elles exhiberont tout, tout sauf évidemment le nécessaire…
Personne ne peut les contraindre et Zhang Haiying s’amuse avec elles pour berner le voyeur. Mutines, elles ne sont jamais en situation d’insécurité et jouent de l’obscénité et des effets de voiles comme on joue à la marelle. Rien ne servirait de les faire boire pour les séduire: elles ne sont faites que pour réveiller les morts, leur donner du courage en dégrafant juste ce qu’il faut pour qu’ils soient les damnés de leur « terre ». La liberté fait place à la victimisation. Un rêve aussi urbain que campagnard monte de leurs cuisses: les sainfoins se teignent d’amarante et les genêts ploient dans la bourrasque. Et quand les mains jointes de ces femmes se défont, il ne s’agit pas pour autant d’embrasser un quidam. Elles manient la trique pour faire avancer un tel âne. Elles se juchent sur son dos ou forment des bouquets de fleurs qui guérissent tout (ou presque). Leurs pétales ont une chair blonde.
Et si devant le voyeur elles n’éprouvent pas le besoin de prendre la poudre d’escampette, elles métamorphosent leurs jambes en glaives. Vouloir s’y loger entrainerait des blessures mortelles. Le voyeur n’a donc plus qu’à aller jouer de sa flûte dans un arbre. Si ces femmes le secouent, l’homme tombe. À moins qu’il ait le temps de rejoindre la mer sans comprendre que ces fées des logis sombres peuvent se transformer en sirènes: leur queue s’agite et le flagelle en libérant la féminité de la prétendue dette qu’elle devrait au masculin. Leur exhibition n’accorde que la vision de l’obscénité de l’âme des Adam adamiques. Elles la greffent à leur abdomen couvert de poils afin que tels des boucs ils reviennent au peu qu’il est. Pas question qu’elles lui caressent ses cornes et en sucent les bouts. La terre entre leurs cuisses l’homme la crut miraculeuse. Mais si elles les lancent sans ambages à la nuit, le membre vibratile en restera l’hameçon inutile. Et leur croupe ne sera le support d’aucun plaisir charnu.
Nul ne connaîtra le lys de leur vallée. Avec l’accord de l’artiste il se peut même qu’elles y aient précipité des cristaux de sel pour brûler celui qui voudrait s’y lover. Elles ne craignent donc rien pour leur intimité tout au plus suggérée. Reste pour le voyeur un rêve étoilé tandis qu’elles redoublent de virtuosité en agitant leurs gambettes pour le faire saliver.