Lunettes rondes et regard perçant, Yutaka Takanashi promenait sa silhouette fluette au BAL l’année dernière, lors de l’exposition consacrée à la photographie japonaise. Le jeune homme de soixante-dix sept ans est de retour à Paris. Il a investi la Fondation Henri-Cartier- Bresson pour l’occasion. Son nom ne vous parle peut-être pas ou peu mais Yutaka Takanashi fut l’un des fondateurs, dans les années 70, de la revue Provoke qui allait révolutionner l’esthétique photographique au Japon et par delà ses frontières. « Capturer des fragments de réalité que le langage en tant que tel n’est pas capable d’exprimer ». Photographier l’atmosphère plutôt que d’apporter des explications. Toshi-e, premier livre photo de l’artiste est considéré comme la référence du genre et illustre à lui seul l’apogée des années Provoke. Un Tokyo sombre, symbole de la collision entre modernité et tradition après le traumatisme de la seconde guerre mondiale. Pour Yutaka Takanashi, la métropole et ses habitants constituent le thème central de son travail.
Des clichés de Tokyo-jin, sa première série importante sur Tokyo, sont présentés à l’exposition. Qu’ils soient dans la rue, dans le métro ou en train de faire leurs courses, les gens que photographie Yutaka Takanashi ont un point en commun: être en âge de travailler. Il est frappant de constater que les enfants et les personnes âgés sont les absents de ces fragments de réel, témoins du profond bouleversement que connaît le Japon d’alors. Entre les parois de béton et de verre des nouveaux gratte-ciel de la ville, les êtres passent, isolés et semblent coupés de tout contact avec le monde extérieur. À l’image de ces grandes étendues de mer, de terre ou de sable hostiles que le photographe capture au volant de sa voiture, qui donnent l’impression d’appartenir à un espace temps indéfini. A la suite de Toshi-e, Yutaka Takanashi continue d’explorer son thème de prédilection, Tokyo. Mais cette fois-ci, il se tourne vers le Japon traditionnel, celui des « shitamachi », les plus anciens quartiers tokyoïtes que les politiques d’assainissement et de démolition n’ont pas encore défigurés. Reproduire l’existant, les vieux quartiers que la modernité n’a pas encore bannis, le faire avec le plus de précision possible, c’est l’objectif que s’est fixé le photographe avec sa série Machi. Une précision qui implique un changement de style. Le passage de l’appareil petit format à la chambre photographique s’impose afin d’être au plus proche de son sujet, les « shitamachi » et d’« enregistrer le réel. » Yutaka Takanashi dépeint un paysage urbain aux images chaudes, à l’opposé des clichés bruts et de la froideur de Toshi-e. Une différence de forme mais pas de fond. Ce glaneur d’images continue son insatiable exploration du réel « en traçant une ligne infinie et ce sera tout ».
Du 10 mai au 29 juillet 2012, la Fondation Henri-Cartier- Bresson présente le travail du photographe japonais Yutaka Takanashi.
Fondation Henri-Cartier- Bresson
2, Impasse Lebouis
75014 Paris
Tel: 01 56 80 27 00
6€ plein tarif.