Dans un sens Duchampien bien compris de la photographie Yan Morvan sait que « l’action » en elle-même n’est rien: seul ce sur quoi elle débouche fait sens. C’est pourquoi en s’amusant avec ses modèles souvent outranciers et hors-normes esthétiques glacées et anorexiques l’artiste les mets en scène pour jouer avec le fétichisme et les fanfreluches et les falbalas.
D’où la fixation de cérémonies drôlatiques qui sont autant de mises en bouche, de préludes à des après-midi de faunes intempestifs. Chaque photographie devient la châsse, le moule, le réceptacle de fêtes à nœud-nœud jouissives où l’épaisseur garde tout son rôle et casse les idées reçues sur la représentation.
Loin de réactions purement émotives et esthétiques « basiques » Yan Morvan percute et répercute une forme particulière autant de vision sure de voyeurisme. Il repousse tout effet de mélancolie et plonge en un humour incisif là où l’image échappe aux conventions.
Au lieu d’aboutir à des formes dont la perfection séparerait le flux Yan Morvan tend toujours à produire un lieu qui agrège et désagrège par des présences qui ébranlent la pensée par leurs attitudes et leurs poses. Des hommes au milieu de leurs fétiches ne sont plus que des brebis affamées. Ils ne broutent que leur ombre. Et des femmes aux formes avantageuses proposent une métamorphose poétique de l’éros. Il s’agit de dissiper la raison et d’y renoncer.
Dans l’alliance subtile des formes provocatrices et des effets de matières légères des dessous chics l’artiste oblige à un consentement vers l’inconnu. Chaque prise délie de l’apparence et offre une parcelle secrète d’un territoire de jeux sexuels. Elle appelle une démesure vitale en créant un pont entre ce qu’on voit et ce qui demeure caché. Et paradoxalement, par l’humour, Yan Morvan s’écarte et se rapproche des « ostentiones » et des « phantasiae ». Le nu n’est plus en un état statique. Il tourne autour du pot à la merci d’un peu de vent battu.