Les peintures de Till Rabus permettent de ne pas achever encore l’action de penser et surtout de désir. Le fragment permet de recommencer ce qui vient de finir. Le corps éclaté fait la belle à la peur, et de la belle une peur. Mais par tronçons la femme reste préhensible à nos serments menteurs et nos promesses jamais tenues. Elle est prête à tout. Du moins telle que Till Rabus la voue à l’aveu de ses nœuds. Ils vouent à attendre l’attendre. Elle et son enchantement. L’ensemble dans une langue plastique sinueusement libre de l’écart et de ses surfaces creuses sur lesquelles il faut glisser pour grimper ou épouser des pentes. Il y a là des histoires sans fin. Des troubles de la pénétration, de l’abandon. La forme est déjà dans le fond et le fond dans la forme.
© Till Rabus, Desir, huile sur toile, 220×190 cm, 2013
© Till Rabus, Patchwork hotel n°4, huile sur toile, 200×140 cm, 2013
© Till Rabus, Patchwork hotel n°3, huile sur toile, 150×190 cm, 2013
© Till Rabus, Patchwork hotel n°2, huile sur toile, 150×210 cm, 2012
© Till Rabus, Patchwork hotel n°1, huile sur toile, 170×190 cm, 2012
© Till Rabus, Nymph, huile sur toile, 200×260 cm, 2014
© Till Rabus, Venus, huile sur toile, 230×160 cm, 2013
© Till Rabus, Goddess, huile sur toile, 200×260 cm, 2013
La puissance scénographique des œuvres possèdent une rare force. Le spectateur pénètre un monde étrange qui devient le moteur à un travail de mémorisation du corps mis au service d’un imaginaire hors de ses gonds. Plus l’image se rapproche -figurativement – du réel, plus elle en devient « distante » par ses coupes. Elle provoque en conséquence un goût de la contemplation, le sens du détour et son infini disponibilité d’offrande. Comme l’enfant qu’il fut – et qui s’enfouissait dans l’humus et les feuilles aspirant de tout son cœur le bonheur d’une mort végétale – Till Rabus renonce dans ses œuvres à tout pouvoir si ce n’est celui de décliner l’espace et le temps chargés des alluvions d’histoire, de mythes, de souvenirs des songes.
Par sa vocation à la beauté l’œuvre ne semble obéir qu’à elle-même. Dans cette matière « plastique » comme le sont les eaux, les plantes et l’esprit des temps païens Till Rabus semble assister aux formes qu’il crée comme s’il n’intervenait pas dans leur processus de croissance. N’est-ce pas pour cela que de l’œuvre émane une paix étrange? Une paix d’absence et de présence, d’action et de vacance. Non sans une fascination du vide (en coïncidence avec l’être) où se joue toujours le sens profond de l’image d’éros.