Chaque voyage dans des contrées bien souvent éloignées nourrit la démarche artistique de Sylvie Bonnot. Elle dépasse la simple image photographique en jouant avec d’autres médiums. Ces expériences l’amènent à retrouver une amplitude de son propre corps et à interroger les limites, le hors-cadre de la photographie. Elle donne une seconde vie à l’image. Les paysages à la géomorphologie complexe, les lieux difficiles à éprouver, l’intéressent pour expérimenter son support. L’image est matière pour interroger le phénomène physique.

Ses œuvres condensent plusieurs temporalités, le temps de la prise de vue, celle de la fabrication de l’image et celle de l’image en devenir.

Dans sa série des « Ecumes », les plis renforcent la puissance du phénomène physique. Ils provoquent une sensation de démesure, d’impuissance et pourtant la matière le contient.
Ses « Très Grandes Mues » présentent une déconstruction de la ville, devenue chaos. Elles suggèrent les flux et une perte de repères, un effondrement. Ses photographies noir et blanc sur gélatine argentique paraissent vivantes et ouvrent vers de possibles mouvements. Ces œuvres renvoient à l’érosion, mouvement de terrain qui modifie lentement le paysage.

Ses dessins expriment une tension qui redéfinit l’image pour donner à voir le monde. À l’aide de la pointe sèche, elle traduit une topographie abrupte.

© Sylvie Bonnot, Écume I, encadrée, 2017
© Sylvie Bonnot, Écume I, encadrée, 2017
© Sylvie Bonnot, Trés Grande Mue Ascendante, 2017
© Sylvie Bonnot, Trés Grande Mue Ascendante, 2017
© Sylvie Bonnot, Grande Mue Shioji Maru, 2018
© Sylvie Bonnot, Grande Mue Shioji Maru, 2018
© Sylvie Bonnot, Trés Grande Mue Yurakucho, 2019
© Sylvie Bonnot, Trés Grande Mue Yurakucho, 2019
© Sylvie Bonnot, Pointe Sèche, 2014
© Sylvie Bonnot, Pointe Sèche, 2014

De plus, des collaborations avec des structures et avec d’autres disciplines donnent naissance à des séries d’œuvres, entre l’image et le volume. Chaque contexte lui permet de trouver nouveaux gestes spécifiques. Sylvie Bonnot navigue aussi bien d’une pratique de la photographie, évoquant le document, état des lieux à des explorations de matériaux pour aller plus loin dans l’expérience de l’image. En 2017, le CNES, lui a commandé une série d’œuvres intitulée « Atlas Aéroplis ». Cette fois, ce sont dans les archives qu’elle effectue un voyage. Elle découvre une proximité entre la gélatine et le mylar, une même fragilité et un même rapport d’échelle. Dans ses pièces en volume, le paysage est réduit, condensé dans la forme et les différentes facettes le déconstruisent. Ce projet lui a offert l’opportunité de dépasser les matières et de tester des résistances. Elle a élaboré des essais de « Mue stratosphérique ». Ce contexte lui a permis d’élaborer une nouvelle manière de traiter son matériau.

© Sylvie Bonnot, Atlas Aéroplis
© Sylvie Bonnot, Atlas Aéroplis
© Sylvie Bonnot, Atlas Aéroplis
© Sylvie Bonnot, Atlas Aéroplis

Son projet « Derrière La Retenue », commande artistique de la Fondation Facim pour EDF Hydro Alpes l’a amenée à approcher une multitude de sites d’une grande puissance où la machine reflétait une autre dynamique. Sa série de photographies témoigne d’un milieu où des forces sont exploitées par l’homme.

© Sylvie Bonnot, Derrière la Retenue, Parcours Arlysère, Facim-EDF Hydro Alpes
© Sylvie Bonnot, Derrière la Retenue, Parcours Arlysère, Facim-EDF Hydro Alpes

Sylvie Bonnot a trouvé récemment dans le contexte de son projet « Contre-Courants » pour le Forum Vies mobiles, une nouvelle approche du terrain et du temps long. Elle prête attention à la place qu’occupe le corps, parfois contraint, selon les lieux. Ses séries d’images dévoilent des situations de société, où l’individu se retrouve parfois dans des situations de solitude.

© Sylvie Bonnot, Vue d’exposition: Mobile/Immobile, exposition collective, Musée des Archives Nationales, Paris, 2019
© Sylvie Bonnot, Vue d’exposition: Mobile/Immobile, exposition collective, Musée des Archives Nationales, Paris, 2019
© Sylvie Bonnot, Vue d’exposition: Mobile/Immobile, exposition collective, Musée des Archives Nationales, Paris, 2019
© Sylvie Bonnot, Vue d’exposition: Mobile/Immobile, exposition collective, Musée des Archives Nationales, Paris, 2019

En parallèle, elle poursuit des recherches où elle déconstruit le portrait en volume. Pour Sylvie Bonnot, le visage est indissociable du paysage. Le matériau agit de lui-même et fait surgir la volumétrie du milieu naturel et des phénomènes physiques. Sa nouvelle série de pièces sur bois convoque le fragment, la ruine. L’artiste superpose deux réalités et pour elle « L’image fait corps avec le support ». Plutôt, « contre-série », ces œuvres peuvent ponctuer les expositions, tels des points d’ancrage.

© Sylvie Bonnot, Lame de Bois, 2019
© Sylvie Bonnot, Lame de Bois, 2019

Son installation « Bricole Bibendum », réalisée et mise en place en mai 2019 n’a pas pu être présentée suite à un vandalisme avant l’inauguration de la 10ème édition du Festival International des Hortillonnages d’Amiens. Les Hortillonnages d’Amiens ont conduit Sylvie Bonnot à aller d’autant plus loin dans sa confrontation avec le matériau et dans sa rencontre avec un lieu. Cet « archipel de sculptures » a été crée dans la continuité de ses dessins spatiaux, tracés de chemins. Une tension entre puissance et légèreté ainsi qu’une sensation d’un basculement possible en émanaient. Avec cette œuvre, elle composait une mise en abîme d’un paysage qui fonctionnait comme un dessin dans cet espace aux multiples usages.

© Sylvie Bonnot, Bricole Bibendum, Hortillonnages d'Amiens, 2019
© Sylvie Bonnot, Bricole Bibendum, Hortillonnages d’Amiens, 2019

Accessible via un QR code, l’installation se retrouve contenue dans un format immatériel, un déplacement vers une nouvelle forme de diffusion. Cette pièce condense plusieurs développements de sa pratique artistique, en relation avec l’univers spatial, le monde agricole…

Ainsi, les œuvres de Sylvie Bonnot incarnent un aller-retour de l’expérience vécue au matériau. Elle met en lumière au fur et à mesure des lieux qu’elle explore, des « dynamiques de forces naturelles et intentionnelles ».

Même s’il est parfois absent physiquement, le corps est présent par les matières qu’elle emploie. L’artiste condense dans sa matière ce qu’elle a éprouvé du site arpenté. Elle nous invite à prendre conscience des enjeux de certains paysages et de notre corps dans la Nature.


Été:

– Work in progress, Ségolène Brossette Galerie, Paris
– Festival International de Jardins: Hortillonnages d’Amiens
– Mobile/Immobile, Maison de la Photographie de Lille, dans le cadre des Transphotographiques, Lille
– Derrière la Retenue II, exposition personnelle, installations photographiques pérennes grand format, Fondation Facim et EDF Hydro Alpes, Vallée de la Maurienne
– Solo-show: Urs Von Unger, Gstaad, Suisse

Septembre:

– UNSEEN duo-show, The Merchant House, Westergasfabriek, Amsterdam, Pays-Bas