Le pastiche anachronique est une des tendances du moment, tous les artistes s’y exercent: David LaChapelle, Laurent Grasso, Wim Delvoye et bien sur les Anglais qui adorent ces jokes, notamment Banksy qui a réalisé de nombreux pastiches basés sur l’anachronisme. Philippe Morillon s’est amusé également à cet art en détournant quelques tableaux de Claude-Joseph Vernet (1714-89), le plus célèbre des peintres français de marines du XVIIIème siècle.
Philippe Morillon, Un port de mer au clair de lune, 1773 – 2011. 70 x 46 cm. édition de 10 ©
Philippe Morillon, Coucher de soleil sur un port des Antilles, 1765 – 2011. (Version «Peace») 70 x 46 cm. édition de 10 ©
Philippe Morillon, Coucher de soleil sur un port des Antilles, 1765 – 2011. (Version «War») 70 x 46 cm. édition de 10 ©
À première vue, tout paraît normal sous les magnifiques lumières picturales, mais des détails soudainement se révèlent étranges. Sherlock Holmes, qui se déclarait être descendant de Vernet par sa grand-mère (cf. The Adventure of the Greek Interpreter (1893) de Sir Arthur Conan Doyle), se serait bien amusé à débusquer ces détails que Philippe Morillon a malicieusement distillés dans les œuvres de son illustre aïeul. Les indices, nombreux, n’auraient en effet pas échappé à la sagacité du célèbre détective: ballon dirigeable, carcasse de voiture, yacht, porte-avions, hélicoptère, immeubles contemporains…
Philippe Morillon, Les baigneuses, détail ©
Philippe Morillon, Coucher de soleil sur un port des Antilles, 1765 – 2011. (Version «Peace»), détail ©
L’anachronisme présenté jadis comme une faute, est devenu une qualité pour les plus grands penseurs de notre temps comme l’a rappelé Jacques Rancière dans Le concept d’anachronisme et la vérité de l’historien (1996). Exercice de style par excellence, le pastiche anachronique demande une fine appréciation des psychologies historiques et surtout de la nôtre, car c’est elle le sujet déguisé des images.
L’inspiration des peintres classiques à Philippe Morillon ne date pas d’aujourd’hui, ayant peint en 1979 un pastiche de L’Apothéose d’Homère de J.-A-D. Ingres (1826) avec sous les traits du poète, Fabrice Emaer, le fondateur du mythique Palace, le club-discothèque des années 80 (dont Philippe Morillon a créé la fameuse affiche). Il a également réalisé en 1995 une sculpture en carton peint avec des personnages actuels à la manière des vases grecs du Vème avant J.C.
Né à Paris en 1950, il est devenu, dans les années 1970, un peintre et un illustrateur reconnu, avant d’être photographe. En 1982, son livre Ultra Lux, une compilation de ses peintures, était publié avec une introduction d’Andy Warhol qui a dit des images de Philippe Morillon qu’elles étaient « néo-classiques ou post-modernes », définition qui convient parfaitement à ses pastiches d’aujourd’hui.