Nicolas Delprat développe un travail sur la représentation de la lumière dans la peinture. Inspiré par l’histoire de l’art et en particulier par l’art minimal, il cherche à créer des perturbations dans la visibilité de ses œuvres. Elles proposent des expériences de trouble de la perception de l’espace. Elles ouvrent la possibilité d’un phénomène, d’une apparition. Si certaines font, particulièrement par leur titre, référence à des œuvres d’art ou à des films, il s’agit plutôt pour l’artiste de restituer une sensation vécue, un souvenir. Ses peintures présentent différentes sources lumineuses plus ou moins douces ou fortes. Elles relèvent d’une impression d’étrangeté, où la limite entre l’intérieur et l’extérieur se dilate.
Face aux œuvres de la série « Zone », le spectateur ne sait s’il peut passer ou s’il est arrêté par un grillage, représentées à l’échelle 1. Au loin, une lumière colorée vaporeuse laisse imaginer un autre monde. Ces toiles invitent à saisir ce qui est au loin et inspire au rêve et à l’espoir.
« James Turrell, évolution 1 » montre l’apparition d’une lumière blanche. Celle-ci semble surgir comme une présence qui perce un espace, porte d’entrée vers un ailleurs lointain et infini. Cette série fait écho au souvenir d’une expérience d’une installation de cet artiste minimal. Éblouissante, cette lumière impose une puissance et l’envie de la suivre. Elle interroge le mécanisme de surgissement des images, qu’on conserve à l’esprit, celles d’œuvres d’art, entre autres.
Dans sa série « Dan évolution 1 », un geste pictural suggère un néon qui vacille et sa trace renvoie la lumière dans l’espace. En mouvement, on devine cet objet lumineux, référence à l’œuvre de Dan Flavin. Ces peintures renvoient à la persistance rétinienne, aux impressions fortes qui restent ancrées dans la mémoire.
L’artiste introduit désormais un élément chaotique, qui lui échappe et suggère le débordement. Récemment, lors de sa résidence dans le village abandonné Egulbati au Pays basque espagnol, il s’est attaché à sortir du cadre de la toile pour intervenir in situ, à même l’architecture. En intervenant sur les ouvertures, il remettait en lumière ce lieu et lui a redonné une couche d’histoire.
Ce travail a donné naissance à la série « Minimal chaos », des peintures dans lesquelles il a repris à l’échelle 1, les motifs des structures d’acier et où il introduit la coulure. Ce qui amène plusieurs temporalités, celle du passé, de la mémoire d’un lieu, et l’actuelle présence de nouvelles traces de passage. « Cette coulure est amenée, ici, comme un élément perturbateur évoquant ainsi les signes laissés à la bombe de peinture par les graffeurs sur les sites abandonnés pour témoigner de leur passage. Mais également rappelant la nature liquide du médium, introduisant ainsi une temporalité: la lenteur de cette coulée accompagnant la lenteur de notre regard », précise l’artiste. Dans ces œuvres, le chaos signifie le débordement, ce qui sort et qui dépasse le cadre.
Dans sa peinture monumentale « Minimal light 3 », différents rayons lumineux attirent le regard. Celle-ci contient diverses sources de lumière qui se diffusent et invitent à un déplacement latéral à travers la multitude de percées qui ouvrent vers l’infini.
Sa série « Put Back », à l’acrylique sur papier, joue sur la superposition des plans. L’artiste travaille à partir d’un fond noir et réaffirme d’autant plus la visibilité du geste pictural. En masquant, en amenant une nouvelle couche de matière picturale, il fait apparaître la profondeur. En s’approchant de près se révèlent les différentes variations de couleurs baignées d’une lumière, derrière, cachée qui semble passer à travers de la toile.
De plus, si le corps ne figure pas dans ses œuvres, celles-ci incarnent sa présence tout comme dans la série « Coming Soon ». Ces acryliques sur toiles montrent un rideau de velours bleu, derrière lequel, on attendrait une présence. Cette scène relève de l’attente, du récit et fait écho à la mise en scène théâtrale ainsi qu’au film « Blue Velvet » de David Lynch.
Si Nicolas Delprat travaille par superpositions, par effacement, il fait surgir d’autant plus d’ouvertures et de passages de lumière. Ses peintures proposent une traversée dans un espace qui invite à un autre, et ce à l’infini. Le spectateur peut s’imaginer une histoire, un événement qui pourrait advenir ou un phénomène passé qui reste en mémoire. Pour l’artiste, il s’agit de provoquer une « amorce de narration ». Une tension, un équilibre entre fixité et mouvement émane ainsi de ses œuvres.
Minimal Chaos, une exposition de Nicolas Delprat à la Galerie Maubert du 13 décembre 2018 au 3 février 2019