Mi anges, mi démones, les amazones postmodernes de Martin Eder suggèrent une ambiguïté séductrice patente. Le flou entre le réel et son reflet est souligné en ce qui devient un dysfonctionnement de la psyché. L’œuvre pose en conséquence la question centrale de la peinture et de sa théâtralité. À savoir de quoi jouissons-nous?
Les toiles permettent d’atteindre un ordre de voyance (proche sans doute du fantasme) auquel nous n’avons pas accès dans les faux repères que propose Martin Eder. Il ouvre néanmoins la porte des interdits. Entrer dans son théâtre figural revient à avoir accès à certains de nos monstres sans que pour autant l’artiste en offre une image littérale.
Les prêtresses armées deviennent des prostituées d’un genre particulier et le regardeur, leurs clients par l’ivresse étrange que les premières peuvent suggérer sans pour autant être de purs vecteurs de désir. La scénarisation des corps prend la consistance de porcelaines fragiles sous leurs carapaces aux formes alambiquées.
L’hybridation corps-armure propose d’autres voies que celle de la consommation cannibale d’images. Telles des jeunes filles mélancoliques, les guerrières jouent les scabreuses filles de l’air. Martin Eder ne cherche donc en rien par leur entremise et leur contextualisation à satisfaire du fantasme. Il ne cesse d’éloigner ses jeunes filles pour nous en rapprocher. Non tant par leur sillon entrouvert que leur regard ambigu. L’œuvre permet d’atteindre un état second ou tiers à mi-chemin entre « une façon d’éveillé et une façon d’endormi » (Henri Michaux). Ce théâtre est donc celui des abîmes du temps. De fait nous basculons dans une autre dimension, nous traversons un miroir. Alice plus que Jeanne d’Arc n’est pas si loin…