Né en 1980 à Wiesbaden en Allemagne, Marlon Wobst vit et travaille à Berlin. Exposé régulièrement au Brésil, au Danemark et en Allemagne, c’est en 2015 qu’il est pour la première fois montré en France, par la galerie Maria Lund, qui défend son travail depuis. Corps nus, pantins de feutre et matière-chair : portrait d’un rêveur de scènes de brume.

Marlon Wobst, Mann, K51103
Marlon Wobst, Mann, 188 x 84 cm, feutre de laine, 2019. Courtesy Marlon Wobst & Galerie Maria Lund, Paris.

Les œuvres de Marlon Wobst s’articulent autour de trois médiums phares : la peinture, la céramique, le feutre. Chaque pratique participe néanmoins de son style, très reconnaissable d’un support à l’autre. La signature de Wobst se situe d’abord dans les habitants de ces contrées indéfinies : la tribu des sans-visage aux membres droits et aux couleurs tranchées est caractéristique. Mais ces petits pantins aux corps mous semblent prêts à s’évaporer au moindre battement de cil. Une certaine tendresse émane de cette fragilité, de ces poupées de chiffon dont les attributs sont réduits à l’extrême. Graphiques et pourtant floues, elles ont en effet cet air de figures de papier dénuées d’organes vitaux. Aucun détail superflu ne vient rompre l’impersonnalité des corps. La seule individualité s’exprime finalement dans le fait d’être, dans l’existence d’un faire, quelles qu’en soient la nature et l’intention. « Je fais donc je suis ». S’il n’y a pas de référence à l’histoire de l’art, un clair intérêt pour le corps et le sport émerge. Les narcisses modernes que l’on observe sont des rêveurs, acteurs et faiseurs aux membres graciles. Mais leur culture du corps est d’abord fondée sur une lascivité hédoniste, comme s’ils ne savaient pas quoi faire d’autre.

Marlon Wobst, Girls (devant - front), 27 x 27 x 7 cm, faïence et glaçure, 2017. Courtesy Marlon Wobst & Galerie Maria Lund, Paris.
Marlon Wobst, Girls (devant – front), 27 x 27 x 7 cm, faïence et glaçure, 2017. Courtesy Marlon Wobst & Galerie Maria Lund, Paris.
Marlon Wobst, Sabbat, K51077, 83 x 98 cm, feutre de laine, 2018. Courtesy Marlon Wobst & Galerie Maria Lund, Paris.
Marlon Wobst, Sabbat, 83 x 98 cm, feutre de laine, 2018. Courtesy Marlon Wobst & Galerie Maria Lund, Paris.
Marlon Wobst, Mare Mosso (Mer agitée), K51102, 154 x 225 cm, feutre de laine, 2018. Courtesy Marlon Wobst & Galerie Maria Lund, Paris.
Marlon Wobst, Mare Mosso (Mer agitée), K51102, 154 x 225 cm, feutre de laine, 2018. Courtesy Marlon Wobst & Galerie Maria Lund, Paris.
Marlon Wobst, Die Flucht (L’Echappée-The Escape), K51075, 110 x 148 cm, feutre de laine, 2019. Courtesy Marlon Wobst & Galerie Maria Lund, Paris.
Marlon Wobst, Die Flucht (L’Echappée-The Escape), K51075, 110 x 148 cm, feutre de laine, 2019. Courtesy Marlon Wobst & Galerie Maria Lund, Paris.
Marlon Wobst, Der Traum des Chirurgen (Le rêve du chirurgien), 90 x 130 cm, huile sur toile, 2019. Courtesy Marlon Wobst & Galerie Maria Lund, Paris.
Marlon Wobst, Der Traum des Chirurgen (Le rêve du chirurgien), 90 x 130 cm, huile sur toile, 2019. Courtesy Marlon Wobst & Galerie Maria Lund, Paris.
Marlon Wobst, FünfPaare (Cinq couples –Five couples), K51089, 70 x 60 cm, huile sur toile, 2019. Courtesy Marlon Wobst & Galerie Maria Lund, Paris.
Marlon Wobst, FünfPaare (Cinq couples –Five couples), 70 x 60 cm, huile sur toile, 2019. Courtesy Marlon Wobst & Galerie Maria Lund, Paris.
Marlon Wobst, Stuntshom im Fre Frein, huile sur papier, 30 x 42 cm, 2019. Courtesy Marlon Wobst & Galerie Maria Lund, Paris.
Marlon Wobst, Stuntshow im Freien (Open air stunt show), huile sur papier, 30 x 42 cm, 2019. Courtesy Marlon Wobst & Galerie Maria Lund, Paris.

La vulnérabilité des corps est particulièrement sensible dans les huiles sur toile. Personnages naïfs et pâteux, les têtes chauves de Wobst y adoptent des gestes simples, dans des situations d’une grande banalité. Parmi eux, beaucoup de surfeurs, de nageurs, de plongeurs, de bronzeurs, s’ébahissent, oisifs, dans les calmes eaux pastel où ils se fondent. On les voit aussi jouer, baiser, marcher, dormir, parfois même exercer leur métier, sans savoir pour autant ce qu’ils font réellement.  Celui-là attache ses lacets, celui-ci se muscle devant la glace. Situation gênante ? Amusante ? Les pantins souvent nus ou en slip ont toujours l’air de s’embourber dans des positions riches de leurs ambiguïtés. La touche moelleuse et la simplicité des traits soulignent la vacuité des gestes opérés. Dans cet espace vide et inutile, on a l’impression que les saynètes minimalistes et peu détaillées sont des pensées vite jetées sur la toile avant qu’elles ne disparaissent.

Marlon Wobst témoigne d’une claire appétence pour les couleurs de la carnation. C’est comme si   la peinture elle-même était mise à nu. La célèbre phrase de De Kooning est ici plus que bienvenue : « La chair a été la raison de l’invention de la peinture à l’huile ». Les tons crème, chair, rouge pâle mêlé de rose, de blanc ou de jaune sont parfois un peu rehaussés de gris bleuâtre ou de vert dans les parties ombrées. Et la peinture d’affirmer son autonomie. Car les marécages pigmentés de Wobst n’ont de cesse de nous appeler. L’œil plonge dans la toile comme les corps représentés, en train de  fondre comme du sucre. Les lignes sont poreuses, les formes dissoutes. Apparition et disparition des corps dans les coups de pinceau matiérés et brumeux.

Sans perspective, les compositions, souvent en aplats, sont agencées avec une naïveté proche de l’abstraction. Si l’on pourrait penser à de l’encaustique, ces figures géométriques, sont néanmoins bien vivantes. En témoignent les céramiques, à la trivialité un peu kitsch et souvent lubrique. Avec ce médium, Wobst déploie une imagerie loufoque et truculente, empreinte d’humour et de poésie. Mais la matière vraiment étonnante utilisée par Wobst est le feutre de laine. Fait d’un ébouillantage de poils pressés et frictionnés, le feutre n’est pas un tissu mais un entremêlement plus ou moins grossier de fibres. Pelucheux, cotonneux ou rêches, les tableaux de feutre semblent devenus les terrains de jeux même de ce qui y est représenté… Avec des bords irréguliers et une dimension un peu animale, ce sont des toisons de couleurs où il fait bon de se noyer.


Actualités :

Marlon Wobst, Relax, peinture et tapisserie
13 septembre au 9 novembre 2019 à la Galerie Maria Lund, 48 rue de Turenne, 75003.

Une monographie est parue en 2017 aux Editions Kerber.