Né à Briançon en 1986, Marius Pons de Vincent est sorti diplômé de l’ENSAD de Strasbourg en 2012 où il vit et travaille aujourd’hui. Dans un champ chromatique assez vaste et une utilisation originale des médiums picturaux, le peintre développe plusieurs séries qui questionnent le statut de l’image et son rapport avec le numérique. Sa force de frappe ? Peindre à la fois l’image et l’outil de l’image dans des trompe-l’oeil qui brouillent les repères. Est posée la question éternelle du fondement du tableau : y a-t-il une vérité du visible ?

Marius Pons de Vincent, Marine au crayon, huile sous verre, 40 x 25 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Marine au crayon, huile sous verre, 40 x 25 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Le lit d'appoint, huile sur bois, 150 x 90 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Le lit d’appoint, huile sur bois, 150 x 90 cm, 2019

Le faux est un moment de vrai dans l’art de Marius Pons de Vincent. Couleurs artificielles, virtualité et côté un peu « kitsch » : on ne nous y prendra pas, l’aspect ludique et perturbateur de ces rebuts visuels n’en évince pas la dimension réflexive. La peinture devient une chose, une idée, représentée logiquement avec de la peinture dans une dimension tautologique. Saisir le réel pictural en le mettant à distance. En d’autres termes, l’atelier fonctionne comme un système autotélique, qui produit en même temps qu’il se représente. Au centre du travail, sont placés les attributs du peintre : son crayon, son chiffon, son pinceau, son portrait et même sa banque d’images Windows. Le vice est poussé jusqu’au médium : figurer dans un effet d’optique le chiffon du peintre sur le chiffon itself, déjà raidi de pigments secs. Censée finir à la poubelle, la chute d’atelier devient utile à la création du tableau et est hissée au rang de sujet. L’expression de « mise en abyme » est plus que bienvenue : introduite par André Gide et empruntée à l’héraldique, elle désignait à l’origine un écusson dans le centre d’un grand. D’où l’idée, ici, de placer à la fois au centre, et sur la chose, la chose même, comme une icône.

Ce bug dans la matrice picturale se retrouve dans les compositions avec présence humaine. En collant une feuille A4 dans le tableau peint à l’échelle 1, Marius Pons de Vincent suggère un léger dérivé de cette possibilité picturale, avec ou sans protagoniste. Mais c’est surtout rappeler la présence du peintre, l’aspect factice de cette mise en scène et le fait que les modèles posent. Le trouble se glisse : il nous rappelle que nous avons affaire à une peinture. Et, comme toute bonne peinture qui s’assume, celle-ci rit d’elle-même : Croûte sur l’herbe, Marine aux crayons, Flèche et rideau. Les titres jouent sur le lexique conventionnel autant que les compositions parodient l’histoire de l’art. Les flèches de saint Sébastien deviennent tout bonnement des curseurs de souris et l’espace de travail du peintre se mue en navigateur web. Le vocabulaire informatique est ainsi exploité avec humour. Mais le syndrome computériste n’a pas remplacé la main humaine : l’élément d’interface graphique avec sa barre des tâches Windows est représenté à la traditionnelle huile sur toile. Ces casse-têtes symboliques jouent de fait avec les données et les paradigmes classiques de l’art. La fenêtre Windows fait écho à la fenêtre albertienne et au support suspect que forme le tableau. « L’écriture picturale produit son support, soit positivement en s’y référant (art médiéval ou byzantin), soit négativement en le refoulant (perspective illusionniste) », écrit Hubert Damisch dans sa Théorie du nuage. Si l’histoire de l’art semble opposer classiquement les tenants de la mimesis à ceux de l’icône, les peintures de Marius Pons de Vincent proposent une joyeuse porte de sortie vers une peinture autoréférentielle. Sur un fil tendu entre abstraction et figuration, l’artiste jongle entre l’espace tridimensionnel et bidimensionnel. Dans ces aller-retours, le tableau fait tache autant qu’illusion. Car la touche, parfois évidente, est autant matière que motif. Avec parfois sept ou huit tableaux en cours, les médiums varient pour chasser l’ennui : huile sur et/ou sous verre, huile sur bois, ou huile sur toile, donnant à la peinture ses allures surréalistes.

Ainsi, l’artiste dit se méfier d’une peinture trop « ouvrière », celle qui utilise les outils du peintre à bon escient pour rendre fidèlement le sujet choisi sur la toile. À cette activité sage et archétypale, Marius Pons de Vincent préfère situer son oeuvre là où on ne l’attend pas. S’il vient d’une peinture figurative très dix-neuvièmiste, il s’en est éloigné en travaillant notamment des autoportraits de petits formats avec des matériaux assez pauvres. Dans une touche enlevée, il multiplie une série de vues de profil – cet angle de soi qu’on ignore – qui permet de s’attarder sur le caractère plus que sur l’humeur. Le sujet, c’est le peintre lui-même en tant que peintre, fabrique d’étonnement et de renouvellement.

Marius Pons de Vincent, Croûte sur l'herbe, huile sur/sous verre, 35 x 28 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Croûte sur l’herbe, huile sur/sous verre, 35 x 28 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, E.V & G.G, huile sur bois, 57 x 50 cm, 2018
Marius Pons de Vincent, E.V & G.G, huile sur bois, 57 x 50 cm, 2018
Marius Pons de Vincent, Flèche et rideau, huile sur chiffon, 53 x 54 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Flèche et rideau, huile sur chiffon, 53 x 54 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Jonas, huile sous verre, 30 x 24 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Jonas, huile sous verre, 30 x 24 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Liste des tâches, huile sur toile, 35 x 40 cm, 2018
Marius Pons de Vincent, Liste des tâches, huile sur toile, 35 x 40 cm, 2018
Marius Pons de Vincent, Marines aux crayons, huile sous verre, 80 x 60 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Marines aux crayons, huile sous verre, 80 x 60 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Paysage tactique, huile sous verre, 100 x 70 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Paysage tactique, huile sous verre, 100 x 70 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Philippe, huile sous verre, 90 x 70 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Philippe, huile sous verre, 90 x 70 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Pinceau et chiffon, huile sur chiffon, 50 x 50 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Pinceau et chiffon, huile sur chiffon, 50 x 50 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Sans titre, huile sous verre, 24 x 18 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Sans titre, huile sous verre, 24 x 18 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Sans titre, huile sous verre, 30 x 24 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Sans titre, huile sous verre, 30 x 24 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Sans titre, huile sur chiffon, 50 x 50 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Sans titre, huile sur chiffon, 50 x 50 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Sans titre, huile sur toile, 55 x 50 cm, 2018
Marius Pons de Vincent, Sans titre, huile sur toile, 55 x 50 cm, 2018
Marius Pons de Vincent, Sans titre, huile sur/sous verre, 30 x 40cm, 2018
Marius Pons de Vincent, Sans titre, huile sur/sous verre, 30 x 40cm, 2018
Marius Pons de Vincent, Studio 6 (Alexandre), huile sur bois, 110 x 90 cm, 2018
Marius Pons de Vincent, Studio 6 (Alexandre), huile sur bois, 110 x 90 cm, 2018
Marius Pons de Vincent, Un café à l'atelier, huile sur bois, 100 x 130 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Un café à l’atelier, huile sur bois, 100 x 130 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Autoportrait à la cigarette électronique, huile sur bois, 81 x 65 cm, 2018
Marius Pons de Vincent, Autoportrait à la cigarette électronique, huile sur bois, 81 x 65 cm, 2018
Marius Pons de Vincent, Benoît, huile sur bois, 72 x 59 cm, 2019
Marius Pons de Vincent, Benoît, huile sur bois, 72 x 59 cm, 2019