Chez Marion Bataillard, les compositions acidulées confrontent des éléments connus, humains, voire étrangement familiers, à des situations des plus étranges. Ici, les échos d’une Renaissance perspectiviste pleine de muses aux chairs blêmes fricotent avec l’insensé d’une époque contemporaine à la sauce aigre-douce. Mais le classique et moderne ne se rejettent pas; les aplats léchés et les transparences en frottis cohabitent en toute sérénité. Raison pour laquelle on ne s’étonnera pas de trouver une mater dolorosa revisitée dans un espace métaphysique hyperréaliste. Les corps des protagonistes ont cette ambivalence de paraître à la fois morts et vivants, chauds et froids, sensuels et hiératiques. L’étrangeté des postures, auréolées parfois d’une fluorescence un peu corrosive, appellent l’étonnement, ou le rire.
Face aux oeuvres de Marion Bataillard, le regardeur retrouve d’abord le leitmotiv familier de l’artiste moderne dans son atelier, sorte de thébaïde donnant sur cour d’immeuble qui forme la matière première du cadre peint. Dans cette approche de la peinture, on se rend compte que la contemplation est d’abord celle de ce qui se passe sous les yeux: au paysage sublime est préféré le préau légèrement aseptisé, que l’artiste a quotidiennement en vue. C’est que l’œuvre ne commence pas là où l’artiste s’arrête. Au contraire: Marion Bataillard peint à partir de ce qu’il y a autour d’elle: le registre intérieur, intime, est le principal moteur de sa machine créatrice. Elle-même se prend à se portraiturer régulièrement et se fait peu de cadeau dans les reflets au teint verdâtre qu’elle dresse. S’il y a du réalisme parfois, de la figure souvent, les bizarreries de beaucoup d’œuvres rappellent que la vérité n’est pas reine en ces mondes-là, détrônée par une recherche picturale permanente.
Espace de la liberté intégrale, l’atelier ouvre sur un champ des possibles des plus vastes. Marion Bataillard le signifie elle-même: « Le plus dur, ce n’est pas le modelé, c’est le langage, l’amplitude grande, passer des aigus aux graves ». En effet, on ne sait parfois plus si l’artiste dramatise sa peinture ou la prend à la rigolade. Sorte de fée verte de la peinture à l’huile, Marion Bataillard s’est donnée pour but d’enchanter des formes et des contreformes dans un atelier servant tantôt d’espace métaphysique, tantôt de terrain de jeu. Objets, accessoires, perruque bleue, miroir, servent et resservent à la mise en scène picturale, toujours d’après modèle. Ce qui est important, c’est de sentir l’époque, la contemporanéité des corps, par les vêtements et les postures. Le désir de l’artiste, précise-t-elle, est en effet d’ « intégrer le réel, le côté rugueux du réel » pour pouvoir, absolument, « rester vivant à l’intérieur du processus créatif ».
La Galerie Romero Paprocki présente actuellement l’exposition personnelle de Marion Bataillard intitulée « Inévitable Clairière Amie » jusqu’au 15 juin 2019.
Galerie Joseph
7 rue Froissart – 75003 Paris
Du mardi au samedi de 11h à 19h