Né en 1964 à Londres, Marc Quinn a débuté sa carrière comme assistant de Barry Flanagan. C’est avec ce célèbre créateur de lapins volants qu’il apprend le moulage, la sculpture et réalise ses premières créations en 1983.
Aux côtés des frères Chapman, Damien Hirst et d’autres artistes britanniques de la même génération, Marc Quinn forme les « YBA », « Young British Artists ». Une sorte de label et de collectif défendu par le collectionneur Charles Saatchi et le marchand d’art Jay Jopling créateur de la galerie londonienne White Cube.
Prolifique, Marc Quinn est l’auteur de nombreuses œuvres, souvent monumentales, réalisées à partir de matières premières totalement différentes: du pain, de la cire, de la peinture, du marbre, du bronze et même du sang. Malgré leurs différences formelles celles-ci ont pour point commun d’explorer toutes les facettes du corps, de la naissance à la mort et jusque dans ses plus folles extravagances. L’artiste est également très friand de technologies et n’hésite pas à s’attaquer à des projets d’une grande complexité. À cet égard, l’une de ses œuvres les plus célèbres est un autoportrait qu’il a créé à partir de son propre sang, moulé et congelé. Nageant dans le silicone liquide, cette œuvre fragile, quasi vivante et évolutive, permet à l’artiste, qui en exécute une nouvelle version tous les cinq ans, de mettre en scène son propre vieillissement tout en bousculant les genres du portrait et de l’autoportrait.
Marc Quinn, Self 2001 (refrigeration unit and canopy), 2001, Artist’s blood, stainless steel, Perspex and refrigeration equipment, 208 x 63 x 63 cm © Marc Quinn
Marc Quinn interroge également la relation que nous entretenons avec notre enveloppe charnelle à travers un très large ensemble d’œuvres reproduisant des corps maltraités par la nature ou par leurs propres « propriétaires ». Il réalise notamment des statues en marbre grandeur nature d’hommes et de femmes privés de certains de leurs membres à la naissance ou suite à un accident. Il fait également sensation avec ses travaux autour d’Alison Lapper, une artiste anglaise née sans bras et dont les jambes sont atrophiées. Il lui consacre plusieurs œuvres dont une sculpture de marbre de 15 tonnes d’abord exposée à Trafalgar Square puis utilisée lors de la cérémonie des jeux paralympiques de Londres. Si certains s’offusquent et y voient une offense aux personnes handicapées, Marc Quinn, au contraire, y voit un hommage et surtout une grande première: celle de la représentation valorisante d’une personne handicapée dans l’histoire de l’art. Il réalise un autre portrait sculpté de la jeune femme, mais cette fois-ci, aux côtés de son enfant, œuvre créant là encore un sentiment de gène tant elle soulève des questions fondamentales. Une maternité peu ordinaire est également le sujet de sa statue « Thomas Beatie », portrait grandeur nature du tout premier homme transsexuel attendant un enfant. Deux œuvres qui soulignent son goût des matériaux nobles pour représenter des gens que certains pourraient considérer comme des citoyens de seconde zone.
Marc Quinn, photographie de l’exposition “Marc Quinn” à la Fondation Cini (Venise) © Marc Quinn
Marc Quinn, Alison Lapper Pregnant (Enlarged Replica) – View 4, 2012, 1100 cm © Marc Quinn
Marc Quinn, Mother and Child (Alison and Parys), 2008, Marble, 213,3 x 159 cm © Marc Quinn
Marc Quinn, Thomas Beatier (Monumental work), 2009, Bianco P marble, 251 x 83 x 70 cm © Marc Quinn
Ainsi, Marc Quinn semble aimer magnifier les corps, mais seulement si ceux-ci sont hors du commun et qu’ils permettent d’écorcher la statuaire antique tout en provoquant chez les spectateurs un questionnement significatif. Toujours dans cette même recherche de modèles atypiques, il réalise le portrait en marbre de Dennis Avner alias « Catman », un américain ayant pratiqué de nombreuses opérations (chirurgie, tatouages, implants, injections de silicone…) pour donner à son visage les traits de celui d’un tigre. Il s’intéresse également à Chelsea Charms, strip-teaseuse au tour de poitrine « monstrueux », mais aussi à Buck Angel et Allanah Starr, un acteur et une actrice de films X ayant comme permutés leurs organes sexuels. Là encore, tout est question d’identité, de genre et surtout de mutation, comme si Marc Quinn cherchait à mettre en avant tout ce que l’humain a fait de plus fou avec son propre corps, et comment la science peut à la fois transformer les humains qui l’entourent et l’art qu’il pratique.
Marc Quinn, Catman, 2010, white bianco P marble with black belgian marble inlay, Carrara marble and stainless steel whiskers, 40 x 33 x 33 cm © Marc Quinn
Marc Quinn, Chelsea Charms (lifesize), 2010, Bianco P marble, 169,5 x 59 x 52 cm © Marc Quinn
Marc Quinn, photographie de l’exposition “Marc Quinn” à la Fondation Cini (Venise) avec au premier plan, Buck and Allanah (lifesize), 2009, Orbital sanded and flat wheeled lacquered Bronze, 167 x 105 x 45 cm © Marc Quinn
Moins provocantes mais toujours dans l’ADN de son travail, ses grandes séries d’empreintes digitales multicolores et d’iris, deux fragments de notre corps qui signent notre singularité. Le corps est également évoqué de façon plus détournée ou métaphorique dans certaines de ses autres œuvres. Il travaille notamment à partir de coquillages qu’il agrandit et reproduit dans leurs moindres détails et qui sont pour lui évocateurs de la nudité. Baptisés « Origin of the world », ils constituent une référence directe à « l’Origine du monde » célèbre tableau de Gustave Courbet exécuté en 1866 montrant crûment et sans détour le sexe d’une femme allongée. Tout aussi métaphorique, son installation baptisée « Garden » dans laquelle il crée un jardin impossible où cohabitent des espèces de biotopes différents fleurissant toutes simultanément, comme par miracle. Une sorte d’Eden maintenu en suspens grâce à la congélation et qui, comme son autoportrait, montre son questionnement sur le cycle de la vie, notre capacité à en contrôler la progression et le caractère éphémère de chaque être vivant.
Marc Quinn, photographie de l’exposition “Big Wheel Keeps on Turning” au Multimedia Art Museum (Moscou) © Marc Quinn
Marc Quinn, Solid, Liquid, Gas (Slow Dissolve), 2013, Oil on canvas, 169 x 281 cm © Marc Quinn
Marc Quinn, The Origin of the World (Cassis madagascariensis) Indian Ocean, 310, 2012, Bronze, 310 x 270 x 236 cm © Marc Quinn
Plus d’une cinquantaine d’œuvres de Marc Quinn sont exposées jusqu’au 29 septembre 2013 à la Fondation Cini située sur l’Île de San Giorgio Maggiore à Venise. Cet artiste est actuellement représenté par la galerie new-yorkaise Mary Boone ainsi que par la galerie franco-allemande Thaddaeus Ropac.