À ma gauche, Damien Hirst, artiste anglais né à Bristol en 1965. Après des études chaotiques, il devient sculpteur et commissaire d’exposition. Sujets de prédilection: la vie et la mort, thèmes explorés, mis en forme et déclinés sous toutes leurs formes. Œuvres best-of: cadavres d’animaux plongés dans des cuves de formol pour les rendre « immortels », peintures à pois, papillons englués dans l’or, vitrines remplies de mégots ou de médicaments. Very best-of: une vanité invendue et invendable car incrustée de plus de 8000 vrais diamants. Trublion, sale gosse, tête à claques, créateur de buzz, mais surtout, créateur de scandales, est accusé de manipuler le marché de l’art dont il connaît toutes les ficelles et d’enchérir sur ses propres œuvres. Pèse des millions et assume avec sourire sa place dans le monde des « pop-artists » pour lesquels l’art est une machine à fric.
À ma droite, John Rankin Waddell, alias Rankin, photographe anglais également, né en 1966. Co-fondateur du magazine Dazed & Confused, fondateur du magazine Rank, auteur de centaines de photos de mode et de dizaines de campagnes de publicité. People parmi les people, a tiré le portrait d’à peu près toutes les stars de la planète: têtes couronnées, chanteurs, comédiens, sportifs, mannequins… Collabore depuis ses débuts avec d’autres artistes, des associations, des chaînes de télé, réalise des clips hauts en couleur et des reportages, produit, co-produit, shoot, filme, invente, crée à tout va, mais sans faire de vagues comme son compatriote.
La rencontre de choc: deux fous de travail et deux fous tout court, amis de longue date paraît-il, s’unissant pour donner naissance à « Myths », une série de photographies, un film, un livre et peut-être plus sur le thème des monstres et des légendes.
Beautés venimeuses, déesses macabres, icônes menaçantes, femmes-alien, toutes leurs créatures nous replongent dans les contes de notre enfance, la mythologie grecque ou égyptienne, mais aussi dans les films d’horreur des années 60-70. Revisitées, réinterprétées, remixées, toutes nous renvoient une image contemporaine de la bestialité, du danger et de la mort dans une série pourtant très poétique et qui nous prouve que le travail en duo a du bon.
En effet, l’un n’a pas cannibalisé l’autre. Les deux se sont plutôt complétés, tout en restant extrêmement fidèles à leur style. Les clichés sont ainsi ponctués de références à leurs univers. Sur « The Painted Skulls 1 », on retrouve les crânes de Damien Hirst en « Spin Painting » (procédé utilisant la force centrifuge pour « projeter » de la peinture sur des objets) ainsi que la top Dani Smith, égérie de Rankin, dont le portrait sensuel et sans complexe n’est pas sans rappeler ceux du photographe. Plus loin, on croise la route d’une femme serpent ou d’une centaure. Deux créatures que Damien Hirst aurait très bien pu peindre ou sculpter avant cette collaboration et qui auraient rejoint son bestiaire imaginaire peuplé de licornes, de chevaux ailés ou de veaux sacrés. Enfin, les créatures à poils longs ou à écailles de la série « Myths » permettent à Rankin de renouer avec son amour pour le fantastique, loin des portraits people un peu trop policés. Elles nous rappellent d’ailleurs sa collaboration avec l’artiste maquilleur Alex Box dont les clichés montraient des femmes-animales et des top-model extra-terrestres vraiment surprenants.
Tout d’abord exposée à la Rankin Gallery de Los Angeles, cette série a été également montrée pendant Art Paris Art Fair ce week-end par la A-galerie (12 rue Léonce Reynaud , dans le 16ème arrondissement).
Cet article est illustré par des photographies du livre « Myths » conçu par le Grafic Designer, Ben Jeffery.