Le corps de la femme reste ce qui agite l’œuvre photographique de Leah Edelman-Brier. Avec des esprits aux os musculeux, des chaînes et des médailles ou en parfaite nudité. Le corps parfait ne se verra pas, ne se touchera pas. Il est issu d’archétypes que les hommes ont inventés de peur de n’être qu’un souffle provisoire, un courant d’air de leur boîte crânienne aux orteils. Mais il est aussi et tout autant ancré dans la réalité et souvent dans la graisse…
L’artiste se doit donc de jouer avec les signes qui dopent l’esprit en des images parfois votives et parfois qui en sont le parfait opposé. Que les corps lui plaisent ou non, l’artiste les transforme en gouffre. Sa création s’ouvre sur un espace interne. Des êtres dorment dans ce corps, ils germent dans le whisky de l’esprit avant de devenir parfois le théâtre d’un grand guignol mystique et parfois le signe d’un grand retour à la nature.
D’une part ses photographies sont à la recherche d’un mythe premier d’une image paradisiaque « eva-naissante » et presque sauvage mais parfois – et aux limites du supportable – ses clichés montrent des corps malades, vieux, scrofuleux. Néanmoins il existe toujours chez l’artiste né à Providence un sens d’une beauté profonde et qui ne se donne jamais comme tel: au spectateur de s’arrêter pour la découvrir. De telles photographies dans leur effet de réalisme possèdent un potentiel mimétique et métaphorique complexe et puissant. Elles soulèvent de nombreuses questions au sujet de la féminité, de la maternité, de l’innocence, de l’enfance, de l’âge. Nul folklore pourtant: surgissent d’étranges icônes de notre civilisation occidentale.
Fondées sur le paradoxe de l’insolite le plus quotidien, chaque photographie permet d’entrer dans le domaine de l’insondable. Les filles, comme les regards qui se posent sur elles, ne savent plus à quelle « sainte » ou « mère » se vouer. Les juxtapositions insolites de la vieillesse et de la jeunesse mettent parfois au défi les attentes visuelles. Parfois certaines images portent en elles l’amour et la souffrance, la beauté et la laideur. Têtes hautes, têtes basses, la vie est là. Sans concession.