Deux univers, deux femmes et un choc. Laurencine Lot, alors jeune photographe de théâtre, est invitée à photographier Carlotta Ikeda, danseuse Bûto, dans le dernier Eden. Elle ne la quittera plus. Nous sommes en 1978. Fascinée par cette énigmatique chorégraphe et danseuse nippone, Laurencine Lot la suit pendant trente-trois années à travers le monde. A chaque nouvelle chorégraphie, elle saisit la quintessence d’une expression théâtrale sublimée. Le Bûto. Dès le début, cette « Danse des ténèbres » nourrie d’Antonin Artaud, De Lautréamont et de Sade sent le souffre. Une bombe atomique, une société japonaise en mutation; la révolte se fera par la chair.
Le Bûto sera la quête d’un retour aux origines, à une forme de pureté qui ne se fera que dans l’engagement du corps tout entier. Révulsion, convulsion, corps fœtus, cette danse du non sens se mue en théâtre de la cruauté. « Il faut vivre avec les morts, les inviter tout près de notre corps », disait Tatsumi Ijikata, inventeur du Bûto. Trouver le point sublime de ce langage primitif pour dire l’indicible. C’est ce que fait Laurencine Lot. Face à l’impuissance des mots, l’image donne du sens. Plans serrés sur Carlotta Ikeda, capable d’incarner tous les visages de la vie d’une femme, de l’enfant à la jeune fille en passant par la lolita jusqu’à la femme en train d’enfanter ou de succomber, dans une nudité et un minimalisme crus et saisissants.
Expérience particulière que de photographier ce sphinx aux milles visages, maquillée entièrement de blanc et habituée aux éclairages violents ou très sombres. Vie et mort, jouissance et douleur, des extrêmes que Laurencine Lot capte avec justesse et humilité, traçant les contours d’un parcours initiatique qui prend sens dans l’universalité de la danse.
Laurencine Lot retrace 30 ans de création de Carlotta Ikeda à la Dorothy’s Galery, jusqu’au 26 mars.
Dorothy’s Galery
27, rue Keller
75011 Paris
Du mercredi au samedi de 13h à 19h
Mardi et dimanche de 16h à 19h