L’œuvre de Kenichi Hoshine semble s’inscrire sinon à la marge de l’art du moins dans les bords de l’image voire de sa disparition. Elle apparaît en s’effaçant comme en affaiblissant les traces et les stigmates d’une nostalgie sous l’attrait d’une neutralité comme si faire resurgir le passé pouvait être dangereux. L’artiste nous convie à le suivre jusqu’à divers types de disparition où le noir prend une importance capitale même s’il ne se limite pas au seul processus d’assombrissement. Surgit un rapport avec tout ce qui ranime mais aussi exclut la présence et n’indique l’absolu de l’image que sous le mode du relatif.
Qu’il soit majuscule ou minuscule, en position d’objet ou de sujet l’humain n’est plus souvent qu’un « il » sans identité. Personnel? Impersonnel? Pas encore l’un ou l’autre mais l’un et l’autre, souvent en deçà ou au-delà d’une présence où la magie d’être fonctionnerait à fond sans que la fascination du non-être impose sa toute puissance. L’humain se situe donc comme en lisière de l’apparition, image de l’image au moment où celle-ci devient l’ombre d’elle-même. Ni présente, ni absente elle se retrouve en situation limite ou extrême à supposée qu’il y en ait encore une…
© Kenichi Hoshine, Untitled 20, charbon, acrylique et cire sur bois, 46×46 cm, 2008
© Kenichi Hoshine, Untitled 52, huile et acrylique sur bois, 61×51 cm, 2014
© Kenichi Hoshine, Untitled 30, huile et acrylique sur bois, 51×61 cm
© Kenichi Hoshine, Untitled 43, charbon, acrylique et cire sur bois, 46×61 cm
© Kenichi Hoshine, Untitled 48, huile sur bois, 61×51 cm
© Kenichi Hoshine, Study of J, huile sur bois, 46×46 cm, 2013
Kenichi Hoshine ne cesse de repenser le rapport de soi à l’autre et du regardeur à l’image-miroir. Cet autre et cette image entretiennent avec le regardeur un rapport obvié, presque sans terme et sans relais prêt à relayer ou à renvoyer une altérité comme un double. L’image reste hypothétique, « fictive », abréviation fracturée du même, du moi vivant et plein soudain dénaturé. Il n’existe qu’un retour retord du même. Dans sa présence remisée il casse la règle de l’identité. Et il n’est pas jusqu’à l’existence du retour qui exclue la modalité du présent et de la représentation claire et véritablement activée. Si bien que l’éternel retour reste la vue de l’esprit que l’image elle-même biffe.
Entre passé et avenir dans le présent – comme différé – de l’image rien ne se conjugue. Il n’existe plus de passage. Le futur devient en quelque sorte identique au passé: les deux fonctionnent selon une modalité où toute apparence souvent confuse fausse la présence. Le passé (vide) et l’avenir (vide) sont soumis au faux jour d’une présence qui s’inscrit selon une modalité d’épuisement, d’absence. L’œuvre ne multiplie donc en rien le miroitement, elle ne « remplit » pas l’image de présence sinon celle d’une figuration quasiment révoquée mais en même temps irrévocable. Cette irrévocabilité en effacement devient le trait par lequel le vide du passé se donne pour impossible à revivre et où le présent surgit comme déjà passé. L’image n’est plus l’enchanteresse: elle devient le moyen d’avertir que tout se dérobe de manière irréversible. La chute est infinie, elle désigne le tableau comme un puits où tout s’ensevelit dans une profondeur sans fonds. Si bien qu’à l’habituelle érection de l’imaginaire fait place son creusement indélébile. Ni dans « l’effroyable ancien » ni dans ce qui pourrait se produire surgit une véritable présence. Ne demeure que son interruption et son défaut.
© Kenichi Hoshine, Untitled 50, huile sur bois, 41×31 cm, 2014
© Kenichi Hoshine, Untitled 51, huile sur bois, 76×61 cm, 2014
© Kenichi Hoshine, Untitled 46, huile sur bois, 61×76 cm, 2012
© Kenichi Hoshine, Untitled 47, huile sur bois, 61×51 cm, 2012
© Kenichi Hoshine, Untitled 49, huile sur bois, 51×41 cm, 2013
Dans une telle œuvre la mort reste présente. Il s’agit de la seule loi de l’éternel retour du même. La peinture de Kenichi Hoshine ne retient que cette exigence à laquelle elle tente néanmoins de surseoir tant que faire se peut. Elle assume mais aussi retient, suspend ce qui ne peut que disparaître. D’une certaine manière rien n’aura jamais eu ou n’aura lieu (ou presque) sinon le lieu de la peinture elle-même en voie d’extinction.
Mais c’est là aussi la gloire céleste et terrestre d’une telle peinture. Elle donne au peu et au rien une présence primitive et sourde dans une puissance paradoxale. En sombrant la peinture n’a peut-être jamais été autant vivante et exigeante. Le tout sous une modalité plus subtile que l’affirmation d’une évidence. Preuve que la simple image n’est jamais simple et que l’évidence picturale se doit de devenir un évidement. Il ne se soumet plus au temps mais à son dehors. C’est bien là la « folie » d’une œuvre qui s’exclut de celle de la représentation.
© Kenichi Hoshine, Untitled 39, huile, acrylique, tissu et cire sur toile sur bois, 56×61 cm
© Kenichi Hoshine, Untitled 41, huile, acrylique et cire sur bois, 61×61 cm
© Kenichi Hoshine, Untitled 19, charbon, acrylique et cire sur bois, 43×35 cm
© Kenichi Hoshine, Untitled 25, charbon, acrylique et cire sur bois, 51×51 cm
© Kenichi Hoshine, Untitled 26, charbon, acrylique et cire sur bois, 81×41 cm
© Kenichi Hoshine, Untitled 29, charbon, acrylique et cire sur bois, 61×61 cm
Les oeuvres de Kenichi Hoshine sont disponibles sur Galerie Guido Romero Pierini.