Karolin Klüppel a vécu entre 2013 et 2015 dans le village Khasi de Mawlynnong dans l’état indien de Meghalaya où un système matriarcal très particulier existe. La plus jeune des filles est donnée comme première dans l’ordre de succession. Lorsqu’elle se marie, l’époux va dans la famille de sa femme et les enfants du couple reçoivent le nom de la mère. Dès lors et particularité rarissime: seule la naissance d’une fille garantit la continuité d’un clan.
La photographe allemande en a rapporté des images magiques où le réel semble, pour un regardeur occidental, se mêler à l’imaginaire. Moins qu’à un souci documentaire (même s’il est loin d’être secondaire) Karolin Klüppel reste à la recherche d’une photographie pure qui doit autant à son langage qu’à son sujet. Symboliques à leur manière ces photographies offrent le passage d’une réalité présente à une réalité qui tord le cou a pas mal d’idées reçues.
Surgit une théâtralité particulière qui acquiert un pouvoir physique non de survivance mais de surréalité. Elle est aussi l’interrogation constante des relations entre ce que la culture mondiale impose et ce qu’une culture particulière peut proposer. Les photographies deviennent des puits d’émergence d’une logique où une emprise subtile crée la remise en question fondamentale des notions de culture et de l’image qui en deviennent la porte-empreinte. C’est sans doute pourquoi la poésie à l’œuvre dans cette série a toujours quelque chose à « dire » et à dévoiler.