Dans les photographies de Jean Depara (photographe d’un XXème siècle disparu avec lui) une virtuosité (sans effets) fait bouillonner la nuit où des clés d’amours possiblement clandestines chassent les nuages du lit des cieux. Des jambes se livrent à des dérives, elles enveloppent le regardeur de leur érudition. Aimer doit pouvoir s’écrire entre toutes ses lèvres. Et en pleine nuit la libre entrave des corps délivre le soleil. Et les émotions n’ont plus d’âge.
La nuit et ses fêtes font quitter le monde objectif. Pas question au passage de prendre dans la bouche le fruit que possèdent des peaux de velours. Mais qu’importe. De la cendre noire surgit des étincelles. Des décolletés pudiques, impudiques ont la bonté divine d’une seule entité céleste: Eros. Il a quitté désormais Kinshasa. Du moins tel que Jean Depara le montrait. Mais il faut se laisser envahir des blancs, des noirs entrelacés dans les plis de motifs.
Emulsion ou mariage: on ne saurait dire tant il est difficile de démêler la réalité optique des effets qu’elle entraîne pour l’œil. Il est soudain aux prises avec des bouillonnements suaves, des brassages généreux dans la touffeur des nuits. Jean Depara captait le sens de lunaisons voluptueuses. Des fleurs noires semblaient nées de l’espace et devenaient les ondines des grâces. On voudrait que ses égéries et éphèbes du passé fassent partie de notre monde. Mais le XXIème est moins insouciant, plus religieux. Et c’est bien affolant.
C’est pourquoi le lointain des espaces captés par le photographe ressemble à un mirage, des calligraphies du vertige. L’équilibre était précaire mais s’y glanait l’utopie qui n’est plus de saison. Photographe de la nuit il en montrait le jour dans des heures volées au réel. Chaque dérobade enlacée mais pudique berçait une complicité loin de la vulgarité et de la souffrance. Tout semblait se partager en noir et blanc et en une certaine innocence. Mais le temps est passé. D’où le plaisir de retrouver ce monde perdu.
L’homme brûlait au cœur et au corps de la femme car incendiait le coeur et le corps de l’homme. Il y avait là l’impertinence de l’éphémère, la permanence du mystère, des cascades de frissons sous la chaleur accablante qu’apaisait la nuit. Elle communiquait dans Kinshasa endormi avec un ailleurs comme les yeux dans le rêve et la fête. Personne ne craignait que le ciel ne lui tombât sur la tête. On ignorait le retour des intégrismes et des pandémies. Tout cela confortait dans une étrangeté qui séparait du monde. Jean Depara en fut le poète.