Le photographe Jean-Claude Bélégou n’a cessé de progresser au fil des ans dans sa maîtrise technique et esthétique. D’une candeur première – non sans richesse – il est passé à une force d’épure et de discipline dans la recherche de la composition et de la lumière. Après une période sombre, théâtrale il est passé à la couleur qui a transformé son rapport au monde et à son travail. L’angoisse a été supplantée par la sensualité – même si elle était déjà présente. Héritier de Raoul Hausmann, Man Ray, Herbert List, Bill Brandt, Lewis Carroll, le nu est pour lui une normalité: « il n’y a pas davantage de raisons d’éviter le sexe que le nez ou les oreilles. Cacher le caractère sexué du corps est parfaitement hypocrite et passéiste » écrit-il refusant de rejeter le côté « animal » de l’être, il le montre tel qu’il est.

Alternant aujourd’hui le noir et blanc et la couleur il trouve dans le premier une cérébralité, une abstraction mentale et dans le second une nature plus physique. Mais néanmoins il sait conserver dans le premier la matérialité du corps. Cherchant moins une image qui « remue le couteau dans la plaie » que formellement puissante, le propos est d’offrir des photographies capables de nous perdre et nous retrouver car elles touchent à quelque chose d’essentiel. Pour cela une seule « recette »: « on ne fait pas œuvre avec des bons sentiments ou de belles idées, fussent-elles politiquement correctes, mais avec des couleurs, des formes ».

Jean Claude Bélégou
Jean Claude Bélégou, Série « Le déjeuner sur l’herbe », 2003 ©
Jean Claude Bélégou
Jean Claude Bélégou, série  » Premiers visages, premiers corps « , 1989-1990 ©
Jean Claude Bélégou
Jean Claude Bélégou ©
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Jean Claude Bélégou ©
Jean Claude Bélégou
Jean Claude Bélégou, série  » Erres/Vers le Grand Nord « , 1992-1994 ©

Celui qui a vécu longtemps au Havre dans les faubourgs d’avant les grandes zones industrielles est resté très influencé par ce paysage. Mais la femme a donné à son regard une vision plus poétique et plus profonde. S’il travaille toujours sur ce qui lui est proche il a découvert grâce à elle une vie autant véritable que « de tous les jours ». Et des nuits. Entre autres les « nuits d’été » entamées en 2015. Elles constituent la suite logique des prises antérieures dans le presbytère normand. L’artiste l’a racheté pour en faire son nouveau « havre » et l’habiter parfois avec ses « muses ». S’y produisent la mise en scène des espaces quotidiens mais aussi, et avec cette série, une nouvelle approche formelle en renouvelant l’empli du flash : « cette lumière brève et nette qui découpe et décolle, en une vision irréelle, qui est celle du fragment de seconde ».

Donnant une fausse impression (entretenue) de « reportage » la série « Nuits d’été » ramène aux séries antérieures. Dans les deux cas demeurent des échos aux « Fêtes Galantes » d’Antoine Watteau et le surgissement d’une sensualité particulière qui refuse la sophistication pour un « naturel » habilement travaillé. Il s’éloigne du commun et aculturé érotisme. Et si de telles suites évoquent l’univers de la peinture et du cinéma elles restent avant du « photographique » et sont en ce sens comparables à ce que Roland Barthes nomma « le filmique » pour le cinéma. Elles possèdent un langage inaliénable que le créateur confirme: « comme Robert Bresson distinguait entre le cinéma et le cinématographe, je distinguerai volontiers entre la photo et la photographie. On a oublié la photographie ». Pas Jean-Claude Bélégou. D’où la force de son travail.

Jean Claude Bélégou
Jean Claude Bélégou, série  » Le sexe des anges « , 2001-2004 ©
Jean Claude Bélégou
Jean Claude Bélégou, série  » Le sexe des anges « , 2001-2004 ©
Jean Claude Bélégou
Jean Claude Bélégou, série  » Le sexe des anges « , 2001-2004 ©
Jean Claude Bélégou
Jean Claude Bélégou, série  » Le sexe des anges « , 2001-2004 ©
Jean Claude Bélégou
Jean Claude Bélégou, série  » Le sexe des anges « , 2001-2004 ©
Jean Claude Bélégou
Jean Claude Bélégou, série  » Le sexe des anges « , 2001-2004 ©
Jean Claude Bélégou
Jean Claude Bélégou, série  » Le sexe des anges « , 2001-2004 ©