Par rapport aux modalités traditionnelles de l’art Jean Bedez contribue de manière déterminante au développement de la recherche d’un langage pluri-expressif dans le passage d’une forme d’expression à une autre. En un contexte de massification il remet en question les paramètres de fond et de forme. Après des recherches sur les fondements du langage pictural et le rôle de l’écriture dans la peinture, l’ancien élève de l’ENSBA s’oriente vers la sculpture, l’installation et le dessin. Avec ce dernier il invente des allégories intempestives du monde tel qu’il est. L’humour des plus décapant et violent y est majeur. Les formes sont lyriques et soignées et viennent contredire les rapports de domination de nos sociétés par ce qu’elles scénarisent en contrepoints. À travers le dessin Jean Bedez casse les mécanismes de construction des images les plus solennelles en obviant leurs contextes. Sous la majesté d’apparat surgissent le sordide et la ruine dans une muséographie « hollywoodienne ».
Pour révéler la dimension fortement contextuelle et équivoque des images médiatisées Jean Bedez interroge ainsi le statut de l’œuvre d’art à travers des créations chargées de références à la politique, au religieux comme à la culture de masse. Sachant qu’il n’y a pas d’avènement à l’art sans un certain sens du rite, le plasticien réinvestit ces champs pour mieux les renverser.
À travers le dessin Jean Bedez montre l’envers des pouvoirs, scanne leur pénombre. Dans les brèches de ses images se découvrent des lieux plus surréels que surréalistes. Ils génèrent à la fois le rire, la fièvre et la peur. Jean Bedez transforme le dessin en cérémonial grandiose, austère mais aussi « drôle » et poétique. Il divague parmi des ruines, se retire ou se perd auprès des vagues. L’œuvre échappe au morcellement sinistre des instants où le présent n’est qu’un point insignifiant entre le poids d’un passé nécrosé et la vanité d’un avenir douteux.
Ce présent poétique est la reprise des instants écoulés par une œuvre d’une certaine manière « humaniste ». Elle leur porte secours et en répond quel que soit leur poids de douleur et de destruction. Le dessin transforme la vision en destin. Le cœur palpite sur la musique du vent en une danse de vie plus que de mort entre le dehors et le dedans.