De sa formation d’historienne, Jacqueline Salmon a développé une démarche de photographe. Elle s’intéresse au paysage, à la nature, à l’architecture; des sujets qui l’invitent à évoquer l’histoire personnelle et collective et à transmettre aussi bien la mémoire des lieux que l’évolution de la société. Si sa pratique photographique semble avoir une caractéristique documentaire, ses images offrent aux spectateurs un champ large de réflexions. C’est notamment en résidence que cette photographe a un terrain d’expérimentation, de quêtes, de rencontres et de dialogues avec un territoire et ses habitants. Précisément, elle prend le temps d’arpenter des lieux, s’intéressant aux mystères des documents qu’elle trouve. Ceux-ci l’amènent vers d’autres lieux et d’autres projets. Les musées d’histoire naturelle l’inspirent notamment, ils sont pour elle des lieux de recherches, de conservation d’images et d’objets qui convoquent l’imaginaire. À Toulon, ses vues de paysages, ses portraits d’habitants et photographies d’éléments croisés durant son temps passé sur place, reflètent l’identité d’une ville.
Jacqueline Salmon joue aussi avec le médium photographique, explore toutes ses facettes, combine des techniques pour composer ses images. L’écriture a toujours eu une importance dans son travail. Des livres, des documents découverts l’amènent à s’interroger sur ce qu’ils représentent, puis à trouver d’autres choses et à voyager vers de nouveaux horizons. Les signes graphiques, les symboles de traduction, les cartes, ces outils de représentation du monde, l’inspirent. Ils lui permettent de réinterroger la photographie comme médium pour capter les phénomènes physiques. Dans ses cartes des vents, dessin et photographie s’apportent l’un l’autre, proposant une vision à la fois scientifique et sensible des nuages.
Parmi les images et objets trouvés lors des temps passés à parcourir musées, bibliothèques et autres lieux d’archives, l’herbier, objet à la fois esthétique et scientifique, attire aussi son attention pour tout l’imaginaire qu’il suscite. Pour son projet d’herbier « La racine des légumes » réalisé à la suite de différents échanges et rencontres avec des maraîchers, elle a voulu montrer ce qu’habituellement, on ne voit pas, la racine. Le légume acquiert une nouvelle identité, un sujet qui ouvre vers d’autres histoires aussi bien personnelles que collectives.
Jacqueline Salmon développe ainsi une interrogation sur les différents systèmes de représentation de la nature. Elle s’approprie des œuvres d’autres artistes qui s’intéressent au paysage, y intervient de façon si subtile que les techniques se confondent presque. L’image est perturbée et amène un second niveau de lecture. D’autres éléments découverts, comme du sable, une fois photographié renvoient vers d’autres univers. Elle réalise aussi des jeux de mises en relation entre ses œuvres et celles d’autres artistes, notamment avec Jean-Luc Parent, un artiste qui partage son intérêt pour l’écriture et les herbiers.
Chaque projet de recherche l’amène à de nouvelles rencontres et collaborations. Chaque document découvert, puis photographié, renvoie, pour l’artiste au mystère d’une certaine folie collectionneuse des hommes. Jacqueline Salmon conçoit également elle-même ses accrochages, un travail de scénographie d’exposition à travers duquel elle joue les jeux de correspondances entre ses images. Pour son exposition « Du vent, du ciel, et de la mer.. » au MuMa Le Havre, elle a établi des connivences entre ses œuvres et celles de la collection. Elle y regroupe différentes séries d’œuvres réalisées suite à ses résidences. Ses photographies nous convient à la découverte des divers paysages qu’elle a parcourus. Au fur et à mesure de la visite, des liens s’établissent entre les différents territoires.
Jacqueline Salmon cherche, par la photographie à convier le spectateur à maintenir le doute sur ce qu’il voit. Ses sujets, cadrages, jeux d’interactions entre les techniques, répondent à cette même intention, montrer ce qu’on ne voit pas, ouvrir son regard vers le second degré de l’image et tendre vers une expérience d’une plus grande attention au réel.
« Du vent, du ciel, et de la mer.., MuMa Le Havre » jusqu’au 23 avril 2017.
« Temps variable, Etudes d’après nature », Galerie Michèle Chomette dans le cadre du Mois de la Photo du Grand Paris, du 15 mars au 30 avril et du 13 mai au 3 juin 2017.