Hadley Hudson s’intéresse, entre autres, aux modèles masculins ou féminins de la mode. Mais elle les photographie loin des podiums. À savoir dans l’intimité de leurs chambres (familiale ou d’emprunts) à Londres, Paris, New-York ou Berlin. Influencé par le concept de « Persona » cher à Carl Gustav Jung, elle montre comment l’être joue son masque parfois sans pouvoir l’enlever ou à l’inverse en s’offrant avec abandon devant la photographe.
Elle a rassemblé ce qui fut d’abord le (beau) prétexte d’un reportage pour Die Zeit. C’est une manière de montrer le dessous des cartes de l’industrie du luxe et de sa piétaille la plus voyante. La photographe propose une embrasure: elle fait moins spectacle qu’elle interroge le regard. Et ce parfois de manière impitoyable.
Hadley Hudson remonte le cours de l’identité afin que jaillissent des pièces démantelées de ceux qui, encore presqu’enfants, ressemblent à des pantins en déglingue. Ils possèdent la tristesse de fantôme en une approche qui n’a rien de maniériste. Pas d’art pour l’art: le réel est retourné pour la découverte de ce qui se passe derrière.
Les photographies donnent à voir ce qui ne peut être exprimé ni expliqué. Peut-être parce que l’indicible s’apparente souvent à l’invisible. La photographie propose l’absence, le trou qui existe dans le visible. Chaque scène figurée cache un voyage vers l’intérieur des êtres représentés. La prise devient une mise en abyme d’une autre histoire, d’autres désirs et « figures ».
Celles et ceux qui sont soumises au culte de l’image, subissent ici l’incarnation des mouvements de la chair et de la pantomime des esprits encore en formation. Surgit à la place de l’image du plaisir, une autre dimension. La photographie ne cherche plus à éveiller les sens, mais un enchevêtrement profond par effet de caresse frontale. Toute l’attention portée par l’artiste à l’être s’exprime dans sa technique. Son but n’est pas d’informer mais d’évoquer. « Ce que je cherche dans la photographie c’est l’autre visage » pourrait dire Hadley Hudson. Et elle y réussit.