La peinture de Giulia Andreani ressemble à s’y méprendre à une peinture d’histoire. Mais la mémoire photographique d’où tout part est détournée de son contexte en des frontières monochromes bleues ou rosées. En surgissent des émergences fantomatiques, des résurgences de cérémonies officielles, des scènes cinématographiques terriblement lourdes d’ambiguïtés politiques mais aussi d’autres plus sexy ou mythiques. La peinture et ses coulures « effacent » les clichés de base originaux. Les Mussolini, Ceaucescu, Mao, Hitler, Franco, Salazar, Staline, Pol Pot et leurs égéries mais aussi les starlettes, pin-up et autres danseuses provoquent – comme avec la technique du « cyanope » et son sépia particulier – tout un jeu de proximité et d’éloignement. L’histoire la plus horrible devient aussi dérisoire qu’absurde au moment même où une image datée mais reprise vient modifier le récit du monde et la cruauté qu’elle mettait en scène. Poussant plus loin sa quête l’artiste remonte des allégories républicaines ou totalitaires du XXème siècle jusqu’aux horreurs d’un passé encore plus lointain. Elle revisite entre autres des photographies de momies des catacombes des Capucins à Palerme. La Vénitienne s’empare du macabre qu’elle décale en un jeu où l’horreur se mélange au clin d’oeil.
© Giulia Andreani, Pompiers, 200x240cm, acrylique sur toile, 2014
© Giulia Andreani, If I fail he dies, 146x114cm, acrylique sur toile, CP Paris, 2011
© Giulia Andreani, Uniforme allemand, 180x80cm, acrylique sur toile, production Lab Labanque, Bethune, 2014
© Giulia Andreani, Uniforme français, acrylique sur toile, 180x80cm, production Lab Labanque, Bethune, 2014
© Giulia Andreani, Love me tender (West side), 100x80cm, CP Paris, 2012
© Giulia Andreani, La cripta dei cappuccini, aquarelle sur papier, collection artiste, 2011
© Giulia Andreani, Forever Young, acrylique sur toile. 27x35cm, CP Paris, 2012
© Giulia Andreani, Le ordeno a usted de que me quiera, 27x35cm, acrylique sur toile, CP paris, 2012
Quoique trouvant son inspiration et sa matière première dans l’histoire, Giulia Andreani la « réimage » poétiquement complétant au besoin ce qui s’efface par le dessin. L’artiste restructure chaque plan après avoir déconstruit les photographies officielles signes de l’idéologie de l’époque. L’aspect « vieilli » des peintures devient par lui-même le signe que les idéologies politiques, religieuses voire sexuelles furent mortifères mais aussi mortelles. De telles peintures brouillent les grilles de lecture, créent des torsions programmatiques, obligent à plonger en eaux troubles. Le réel est comme démenti. L’artiste le dégage de son étau physique sans toutefois le porter vers le vice de l’idéalité – bien au contraire. La langue plastique se fait aussi sourde que légère. Elle métamorphose son modèle. Tout un récit poétique avance pour séparer l’être de l’horreur de l’histoire au profit d’extases nues. Cela ne revient pas pour autant à ranimer les fantasmes de puissance mais à se dégager de l’enchevêtrement pervers des récits officiels obligés pour un chemin beaucoup plus ludique. La peinture n’est plus un média-ustensile propre à gainer une mode en éclosion par réanimation d’un passé étouffant. Elle redevient l’amalgame de signes visuels qui échappent à la seule fonction de communication et de référence. Elle atteint un rôle supérieur en ouvrant l’imaginaire par la remise en jeu du politique.