Diplômé et félicité de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, Florian Mermin est l’homme qui murmure à l’oreille des objets.

Ce jeune artiste est, précisément, ce qu’on appelle un « touche-à-tout ». Rien n’est fixé dans son monde sans fin puisqu’aucune technique ne l’a assigné à une zone de confort. La curiosité du faire qui habite sa fabrique énergique implique de pratiquer plusieurs médiums: tout part de la matière, dont l’artiste revendique, pleinement, la personnalité. À titre d’exemple, la céramique molle et malléable n’induit pas la même frontalité que le métal; la fleur à demi fanée provoque une sensation autre que le dessin à l’encre et brou de noix. Une fois que la matière se met à parler, vient l’heure de l’histoire, car ces objets semblent tous dérivés de contes plus ou moins cruels. En résultent des artefacts aussi étranges que familiers: un banc noueux en fer forgé et à lattes d’épines; toute autre, une colonne cylindrique soigneusement recouverte de fourrure beige; ou encore une paire de chaussures en grès émaillé, style Louis XIV revu à la lumière d’un conte d’Andersen un peu cauchemardesque.

Florian Mermin, Caresse de forêt, vue d'exposition, 2019
© Florian Mermin, Caresse de forêt (le soir où tu m’as quitté), vue d’exposition, 2019, Backslash, Paris
Florian Mermin, Caresse de forêt, vue d'exposition, 2019
© Florian Mermin, Caresse de forêt (le soir où tu m’as quitté), vue d’exposition, 2019, Backslash, Paris © photo: Gregory Copitet
Florian Mermin, Caresse de forêt, vue d'exposition, 2019
© Florian Mermin, Caresse de forêt (le soir où tu m’as quitté), vue d’exposition, 2019, Backslash, Paris © photo: Gregory Copitet
Florian Mermin, Caresse de forêt, vue d'exposition, 2019
© Florian Mermin, Caresse de forêt (le soir où tu m’as quitté), vue d’exposition, 2019, Backslash, Paris
Florian Mermin, Caresse de forêt, vue d'exposition, 2019
© Florian Mermin, Caresse de forêt (le soir où tu m’as quitté), vue d’exposition, 2019, Backslash, Paris
Florian Mermin, Caresse de forêt, vue d'exposition, 2019
© Florian Mermin, Caresse de forêt (le soir où tu m’as quitté), vue d’exposition, 2019, Backslash, Paris © photo: Gregory Copitet
Florian Mermin, Caresse de forêt, vue d'exposition, 2019
© Florian Mermin, Caresse de forêt (le soir où tu m’as quitté), vue d’exposition, 2019, Backslash, Paris
Florian Mermin, Caresse de forêt, vue d'exposition, 2019
© Florian Mermin, Caresse de forêt (le soir où tu m’as quitté), vue d’exposition, 2019, Backslash, Paris

« Mon travail est d’abord tourné vers la sculpture et l’objet » nous dit l’artiste. Dans une veine réaliste et modeste, ce dernier crée les objets insignes d’une pension Vauquer sans pensionnaire. Le parti pris de chaque chose consiste dès lors en sa présence au monde, forte, singulière, et surtout (surtout) humble. On se rappelle que le mot latin humilitas est dérivé de humus, « terre ». Les oeuvres de Florian Mermin, d’ailleurs, sont souvent un peu terreuses, le teint brun, rongées par la rouille, délabrées. Elles participent d’une poétique de la ruine moderne, d’autant plus forte que nous y sommes conviés. Car, non satisfait d’achever tel étrange récipient en céramique, telle sculpture de bois, ou tel tissage de laine, l’artiste dresse l’environnement propice à constituer l’habitacle à la nouvelle chose. L’objet est dépassé, l’expôt est l’oeuvre même et l’agencement se fait en fonction du lieu. « L’oeuvre-exposition m’intéresse », affirme-t-il. La narration est ainsi présente, d’où le sentiment d’entrer dans la maison aux pieds-de-poule de Baba-yaga, ou dans un bourbier asséché révélant à l’air libre les objets effacés de la mémoire du monde. Jardin oublié, roses fanées, pots dressés de crochets: entre l’intérieur et l’extérieur, le passage est poreux, l’immersion forte. En jouant sur la dimension olfactive et tactile de l’installation créée, l’artiste permet de faire entrer physiquement le visiteur, de lier le corps et l’oeuvre. Le métal crochu pique, les feuilles mortes craquent, la laine est soyeuse au toucher. Ça sent le sous-bois, le pot-pourri, ou le renfermé.

Florian Mermin, Soleil couché, vue d'exposition, 2018
© Florian Mermin, Soleil couché, vue d’exposition, 2018, Unspaced, Paris. Group show curated by Double séjour. J’ai laissé la lumière du jour m’éclairer (Installation), 2018, céramique émaillée, métal, bois, terreau, laine, dimensions variables
Florian Mermin Your brain is my bedroom, vue d'exposition, 2017
© Florian Mermin, Your brain is my bedroom, vue d’exposition, 2017, Galerie Les Filles du Calvaire, Paris. Group show curated by Ange Leccia
Florian Mermin, Félicità, Palais des Beaux-Arts, Paris
© Florian Mermin, Félicità, 2016, Palais des Beaux-Arts, Paris. Beautiful Island Nails, peinture murale, céramique, métal, plâtre, cire, bois, fleurs, coquillages, sable, dimensions variables

Ainsi, il ne suffit pas de coiffer Florian Mermin de la pluri-casquette du plasticien-sculpteur-céramiste-dessinateur pour appréhender l’ensemble de son oeuvre. Chaque objet est effectivement accompagné de son escorte personnelle: sa matière, sa technique, sa couleur, son atmosphère, son aspect, appartiennent à lui, et à lui seulement. De fait, attribuer un qualificatif à ces environnements n’est pas chose aisée. Inquiétants? Oniriques? Cocasses? La perception du visiteur a ici carte blanche car la narration évoquée par le dialogue des éléments ouvre un champ des possibles des plus vastes. Tous les objets sont autonomes et chaque exposition les prend comme personnages d’une nouvelle narration, les remettant en situation, à l’infini. Histoires à suivre…

Florian Mermin, 62ème, Le Beffroi de Montrouge, Replanter des choses oubliées
© Florian Mermin, 62ème Salon de Montrouge, 2017, Le Beffroi de Montrouge, Replanter des choses oubliées, peinture murale, céramique, bois, métal, fleurs séchées, plantes, dimensions variables
Florian Mermin, 62ème, Le Beffroi de Montrouge, Replanter des choses oubliées
© Florian Mermin, 62ème Salon de Montrouge, 2017, Le Beffroi de Montrouge, Replanter des choses oubliées, peinture murale, céramique, bois, métal, fleurs séchées, plantes, dimensions variables
Florian Mermin, 62ème, Le Beffroi de Montrouge, Replanter des choses oubliées
© Florian Mermin, 62ème Salon de Montrouge, 2017, Le Beffroi de Montrouge, Replanter des choses oubliées, peinture murale, céramique, bois, métal, fleurs séchées, plantes, dimensions variables