Dans son atelier de la région parisienne, Etienne Gros commence toujours ses toiles par terre, à la manière d’un Pollock. Même si la comparaison s’arrête là, les deux peintres partagent un rapport physique à leur art. L’artiste se revendique lui-même comme un être terrien, avouant sans mal qu’il « arrive mieux à parler avec son corps qu’avec sa tête ». « C’est peut-être pour ça qu’il n’y a pas de tête » dans ses peintures, ajoute-t-il sur le ton de la boutade. Et en effet, à voir les corps qui les habitent, la plupart frappent par leur absence de visage.

Etienne Gros, vue d’atelier ©

Ces corps parlons-en. Qu’ils soient en plans rapprochés, tronqués, ou saisis dans ce qu’ils ont de plus doux, ils marquent par leur présence. Il y a de la photographie dans l’oeuvre d’Etienne Gros, qui a beaucoup à voir avec son sens du cadrage. Nulle trace ici de supplices qui les feraient tomber dans la violence, comme c’est le cas chez Vladimir Veličković, son maître aux Beaux-Arts de Paris. De ses toiles se dégage au contraire une profonde sérénité, un équilibre minéral que l’usage du blanc vient renforcer. On pense immanquablement à la statuaire grecque, tant les lignes sont pures et définies.

Etienne Gros, La bascule blanche, acrylique sur toile, 160x60 cm ©
Etienne Gros, La bascule blanche, acrylique sur toile, 160×60 cm ©
Etienne Gros, Dos rond blanc, acrylique sur toile, 114x146 cm ©
Etienne Gros, Dos rond blanc, acrylique sur toile, 114×146 cm ©
Etienne Gros, Approche aux bras rouges, acrylique sur toile, 200x300 cm ©
Etienne Gros, Approche aux bras rouges, acrylique sur toile, 200×300 cm ©
Etienne Gros, Dépôt de carbone sur papier ©
Etienne Gros, Dépôt de carbone sur papier ©
Etienne Gros, Mousse 33, mousse polyester ©
Etienne Gros, Mousse 33, mousse polyester ©
Etienne Gros, Mousse 30, mousse polyester ©
Etienne Gros, Mousse 30, mousse polyester ©
Etienne Gros, Dos 2, mousse polyester ©
Etienne Gros, Dos 2, mousse polyester ©
Etienne Gros, Triple genou, acrylique sur toile, 97x130 cm ©
Etienne Gros, Triple genou, acrylique sur toile, 97×130 cm ©
Etienne Gros, Face d'envol, acrylique sur toile, 120x120 cm ©
Etienne Gros, Face d’envol, acrylique sur toile, 120×120 cm ©
Etienne Gros, Homo Christus, acrylique sur toile ©
Etienne Gros, Homo Christus, acrylique sur toile ©
Etienne Gros, Joue jaune, acrylique sur toile, 100x100 cm ©
Etienne Gros, Joue jaune, acrylique sur toile, 100×100 cm ©
Etienne Gros, Genoux rouges, acrylique sur toile, 114x146 cm ©
Etienne Gros, Genoux rouges, acrylique sur toile, 114×146 cm ©
Etienne Gros, L'effet blanc, acrylique sur toile, 80x80 cm ©
Etienne Gros, L’effet blanc, acrylique sur toile, 80×80 cm ©
Etienne Gros, La prise orange, acrylique sur toile, 150×150 cm ©
Etienne Gros, Les genoux oranges, acrylique sur toile, 130x97 cm ©
Etienne Gros, Les genoux oranges, acrylique sur toile, 130×97 cm ©
Etienne Gros, Sein blanc, acrylique sur toile, 73×50 cm ©
Etienne Gros, Sein blanc, acrylique sur toile, 73×50 cm ©
Etienne Gros, Approche au bras violet, acrylique sur toile, 130×130 cm ©
Etienne Gros, Approche au bras violet, acrylique sur toile, 130×130 cm ©

La couleur occupe également un rôle central. Elle rehausse le corps et agit à la manière d’un filtre en photographie, magnifiant telle ou telle partie. À voir ses peintures, on pourrait croire que l’artiste dessine d’abord une figure humaine avant de la recouvrir de couleurs. C’est en réalité l’inverse qui se produit. Etienne Gros travaille d’abord la toile en y collant des papiers (technique du marouflage) et les recouvrant d’à-plats rouges, bleus, oranges, jaunes, selon l’inspiration du moment, puis les polit et les ponce. Ce n’est qu’au terme de cette étape que le corps humain peut enfin émerger. Les lignes et plis naissent ainsi des formes colorées, et fonctionnent comme des lignes de contact entre deux couleurs.

À ces peintures sur toile se sont ajoutées deux autres techniques pour le moins originales: la sculpture sur mousse et le dessin à la lampe à pétrole. Dans les deux cas, la représentation du corps est omniprésente. Les sculptures en mousse, qui tiennent par une armature en fer, ont la particularité d’être extrêmement fragiles. Elles sont vouées à la même décomposition qu’un être vivant, le temps devenant alors une composante essentielle de l’oeuvre.

À l’instar du peintre H.Craig Hannah, dont le travail se traduit aussi par une grande virtuosité technique, Etienne Gros se voit autant comme un artisan que comme un artiste. Il laisse aux autres le soin de réagir à ses oeuvres. Face à l’une d’elle, quelqu’un lui aurait un jour dit: « Quand on voit vos tableaux, on a envie de faire l’amour ». Après les avoir soigneusement observés, on ne peut que lui donner raison.