Rencontré lors de l’Outsider Art Fair en la présence de ses amis Daniel Martin Dias et Paula Catherine Valencia fin octobre dernier, nous avons été très enthousiastes par la démarche originale du photographe Eric Marais.
B!B!: Quelles sont tes origines et tes vies antérieures à la photographie?
Eric Marais: Je suis né à Paris mais je suis d’origine bretonne, de Saint-Malo. Mes ancêtres étaient des aventuriers, j’ai hérité de ce désir de défis, d’aller sur les chemins non balisés. Autodidacte, je suis débrouillard et curieux de tout. J’ai longtemps travaillé dans l’industrie publicitaire, l’aspect créatif me plaisait, un challenge permanent pour conjuguer justement séduction et intellect.
B!B!: Comment en es-tu venu à la photographie?
Eric Marais: C’est justement cette dualité fond/forme qui me plaît. J’ai toujours aimé la photographie et surtout l’objet, l’appareil en lui-même. À l’époque j’avais un Kodak folding de mon grand-père alors que mes amis possédaient des appareils plus puissants et modernes, j’aimais mieux le mien, plus humble.
B!B!: Quelle magie trouves-tu à la photographie?
Eric Marais: Il y a une dizaine d’années j’ai acheté en galerie une photo faite avec une boîte en carton, ça m’a longtemps fasciné, jusqu’à l’obsession et un jour je me suis lancé, je suis passé à l’acte, j’avais sûrement besoin de merveilleux ce jour là. J’habitais alors à Vincennes, la première photo que j’ai faite avait pour sujet le vieux château. Le prisme du sténopé abolit le temps, avec ce procédé on obtient des « photos du Moyen-Âge » avec des noirs et blancs très contrastés.
B!B!: Quels sont tes thèmes de prédilection et tes inspirations à venir?
Eric Marais: En bon breton, il y a, je pense, un aspect assez mystique, une esthétique gothique. J’aime le mystère, les choses éthérées. Je me sens proche de l’histoire de l’art occidentale. J’ai fait une série sur les cimetières, je suis toujours un peu philosophique. Mais mon ambition réside surtout dans le défi de remonter au plus loin dans le procédé technique photographique, de manipuler les racines primitives de l’histoire de la photographie, de tester toutes les anciennes méthodes. Je suis fasciné par l’évolution des premières techniques de ce média. Je fais des tests au bitume de Judée. Je fantasme la toute première photo de l’histoire, une pureté primordiale. La première photo qu’on connaît date de 1824 mais on faisait déjà de la photo aux alentours de 1780… Hélas toutes ont disparues.
B!B!: Quelle est ta vision du monde de la photographie vis-à-vis du monde de l’art et comment y trouves-tu ta place?
Eric Marais: J’ai du mal à me considérer photographe et désormais trop de personnes se qualifient ainsi parfois bien illégitimement. Et il y a tant de courants et tendances différentes. Ma démarche est un peu à part. Je ne me contente pas de l’image, qui au final n’est qu’un prétexte et paradoxalement non pas une finalité. J’appréhende la photographie dans un mode plus global, ce sont l’expérience et le dispositif photographique qui m’importent le plus. Le dispositif fait que le spectateur devient l’acteur et l’objet.
B!B!: Quels sont les projets en cours et dates d’exposition à venir?
Eric Marais: Une exposition collective et alternative jusqu’au 15 mars 2015 à la Cale 2 Créateurs, j’exposerai des « Sténopé domestiques »: des cadres avec une chambre noire qui sont en prises de vue permanentes. Ce sont des objets à mettre chez soi et à laisser ouverts. J’ai des photos prises sur plus de 300 jours. Il y a donc le décor immobile et tout ce qui a été en mouvement n’apparaît pas. Il y a donc insidieusement un spectre invisible. Ce procédé est aussi contraignant car il faut que je scanne les photos très vite sinon à l’ouverture du dispositif elles s’effacent. La magie et l’illusion de cette technique et une référence à la silhouette du professeur Jacques Charles, l’inventeur précurseur de la découverte de Nicéphore Niepce. En ce moment je suis en repérage d’églises pour y installer ce dispositif, je trouve que c’est un sujet intéressant: objet/sujet/image.
À partir du 20 mars 2015 et pour un mois j’exposerai pour « Micro salon » à L’Inlassable Galerie et qui aura pour thème des œuvres miniatures. J’y présenterai les œufs qui ont servi de chambre noire et dont l’image finie est une photo du chef-d’œuvre longtemps attribué à Jérôme Bosch « Le concert dans l’œuf ». Enfin, du 4 au 9 avril 2015 je participerai à l’exposition « L’anti-chambre des merveilles » à la Galerie Art ligue, organisée par l’IEASA. En parallèle je continue à vendre mes Sténoflex et à donner des cours.
B!B!: Comme d’habitude, on va faire ton portrait de façon un peu alternative et en fonction des sept péchés capitaux: Es-tu gourmand?
Eric Marais: Oui! De tout, des gâteaux, des fruits de mer, etc… mais au second degré je suis surtout gourmand de savoir, de ressentis, de la vie, une délectable curiosité, c’est ma gourmandise!
B!B!: Es-tu envieux?
Eric Marais: Non, j’ai plein d’envies mais je ne suis pas envieux! J’aime trop ma vie!
B!B!: Es-tu paresseux?
Eric Marais: Je suis un faux paresseux. Je me permets de ne rien faire parfois mais je suis aussi capable d’abattre beaucoup de travail. Ce n’est pas linéaire.
B!B!: Es-tu colérique?
Eric Marais: Je ne me mets que très rarement la colère. Mais j’aime ce sentiment, je suis en colère vis-à-vis de moi même et je trouve ça sain, spontané, c’est un moteur qui fait avancer, qui mène plus loin car il y a toujours le désir de s’améliorer.
B!B!: Es-tu avare?
Eric Marais: Un mot qui m’est inconnu.
B!B!: Es-tu orgueilleux?
Eric Marais: Pas dans l’excès mais ne pas avoir d’orgueil serait ne pas être humain.
B!B!: Es-tu enclin à la luxure?
Eric Marais: Comme tout le monde j’imagine! Mais je pense qu’il faut se préserver des regrets…
B!B!: Quelle serait ton épitaphe?
Eric Marais: « Video et tasseo » (Je vois et ne dis rien). C’est important de savoir se taire et d’observer, contempler.
B!B!: Si je te dis Boum! Bang!?
Eric Marais: Bingo!