Brett Amory ne cesse « d’encendrer » le réel: d’’où la création d’images particulières. Elles ne peuvent créer une vision qui n’est plus possibilité de voir, mais impossibilité de ne pas voir dans le suicide des contours précis pour ce qui les contrarie. La clarté diffuse ne revient pas à éprouver un regard sur soi mais un aveuglement supplémentaire. Le peintre américain souligne ainsi que l’image reste toujours un croire voir qui renvoie au « croire entrevoir » du poème dernier de Samuel Beckett. Le « flou » suggère l’absence où le regard continue à voir l’être ou le monde dans son absence enun tutoiement sans tu à tutoyer.
Contre la possession carnassière des images Brett Amory s’écarte progressivement de l’image pour ne laisser des êtres et du monde non une vision mais leurs fantômes dans un processus d’amenuisement et d’extinction progressifs. Une telle stratégie pousse l’effet de réel à un « sans effet ». Grâce à ce processus la réalité n’est plus contrôlable formellement. L’artiste montre le chaos dans lequel le réel est plongé. Néanmoins forme et chaos restent distincts. Le peintre trouve une forme qui exprime le gâchis. À partir d’une telle postulation la représentation ne s’intéresse plus qu’au contre jour qui ne montre que des ombres naïves et sourdes.
© Brett Amory, Waiting#193, huile sur bois, 51×51 cm, 2013
© Brett Amory, Waiting#192, huile sur bois, 51×51 cm, 2013
© Brett Amory, Waiting#190, huile sur bois, 91×91 cm, 2013
© Brett Amory, Waiting#185, huile sur bois, 122×122 cm, 2013
© Brett Amory, Waiting#168 Eldridge and Canal 11-12, huile sur bois, 76×127 cm, 2013
© Brett Amory, Waiting#167 Eldridge and Canal 9-10, huile sur bois, 76×76 cm, 2013
© Brett Amory, Waiting#116, huile sur bois, 51×51 cm, 2012
© Brett Amory, Waiting#120, huile sur bois, 91×122 cm, 2012
© Brett Amory, Waiting#141, huile sur bois, 76×76 cm, 2012
© Brett Amory, Waiting#142, huile sur bois, 76×76 cm, 2012
Tout s’enfonce dans un fondu de la lumière du jour. L’apparence est freinée, défaite au sein de figurations anonymes. Les silhouettes deviennent à la fois partout et nulle part, hier et demain. L’oeuvre devient le témoin et l’écho d’un silence et d’un vide sans appel. Son « miroir » se trouble. Il détruit la discrimination entre le réel et le rêve. Surgit un sommeil paradoxal, dans un état où la frontière entre le monde réel et le fantasmen’a plus de signification. L’image n’est plus l’attrape-mouches ou l’attrape-toi toi-même où vient se coller un amas d’événements réels: « plus rien ne colle ».
La malédiction de Psyché pour qui la lumière externe détruit instantanément le cristal de l’image amoureuse est d’une certaine manière passée par là. Il s’agit pour Brett Amory de tromper la vue des apparences afin de montrer quelque chose à la fois de plus invisible mais de plus familier en niant l’idéale hiérarchie du crucial à l’anecdotique pour laisser apparaître une perte de sens. Elle n’est pas seulement une sieste de la conscience mais un déclin de l’existence au moment où le corps et le monde subissent une forme de dégénération.