Nous vous avions laissé la semaine dernière, des explosions plein la tête. Nous revoici aujourd’hui avec le deuxième opus de cet article consacré au boum et au bang dans l’art. En ce beau mardi du mois d’octobre, alors que partout dans le monde les peuples vivent en paix, nous vous invitons à découvrir ou à redécouvrir les œuvres d’artistes pour qui missiles, grenades et autres objets explosifs ont servi, volontairement ou non, de sujet, de motif ou tout simplement d’inspiration.
Pour commencer, l’une des plus célèbres œuvres dans la veine de cette thématique: « Child with toy hand grenade in Central Park », une photographie de Diane Arbus réalisée en 1962. Le jouet explosif y est discret mais c’est l’attitude de l’enfant qui le tient qui rend ce portrait particulièrement dérangeant. Colin Wood, petit garçon maigrichon, n’a pourtant rien d’un terroriste et derrière ses traits en colère se cache non pas un enfant victime d’une maladie mentale sur le point de faire la plus grosse bêtise de sa vie mais un gamin énervé de voir tourner autour de lui une photographe lui demandant de poser.
Restons dans l’univers de l’enfance avec Mona Hatoum. Cette artiste d’origine palestinienne, créatrice de sculptures et d’installations hybrides évoquant la violence et la guerre, nous invite à contempler sa « Nature morte », un ensemble de grenades réalisées en verre et ressemblant à de gros bonbons acidulés. Disposées sur ce qui pourrait être un chariot d’hôpital, elles perdent pourtant toute leur innocence et nous renvoient directement au thème de la mort. Mais pourquoi leur avoir donné cette apparence? Peut-être pour évoquer le commerce des armes, simple comme un jeu d’enfant, ou pour rendre hommage aux plus jeunes victimes des bombardements.
Retour à la réalité, sans détour, avec le photojournaliste français Eric Bouvet. Couvrant les grands conflits de notre planète, suivant des troupes armées ou partageant le quotidien de groupes de réfugiés, il rapporte de ses voyages des clichés bruts d’une grande force où bien souvent les armes tiennent une place de choix. Bien ancré dans la réalité également, le « big bang » du plasticien espagnol Eugenio Merino dont les sculptures hyperréalistes sont d’ouvertes critiques politiques et religieuses. Sorte de terroriste mi-homme, mi-singe, sa créature ceinturée de dynamite semble dépassée par l’événement: l’explosion de notre planète. Plus minimalistes et symboliques, les œuvres un brin écolo de l’artiste brésilien Mozart Guerra qui souligne lui aussi le caractère destructeur et autodestructeur de l’homme en plaçant directement une grenade dans les gueules de ses créations en corde. Tout aussi explicite, ce photomontage de l’artiste Javier Jaen Benavides ou la sculpture « Grenade » de l’artiste indien Valay Shende incrustée de vidéos dénonçant les « maladies » affectant notre société moderne.
Toujours dans l’actualité, « Bomb » est une œuvre issue de la série « London Pictures » de Gilbert et George. Pour celle-ci, le duo anglais a collecté et classifié près de 3000 gros titres de la presse anglaise puis les a mis en scène dans des œuvres monumentales, sorte d’étude de la vie urbaine moderne. Tout autant dans le quotidien, mais moins sanglant cette fois, le street artiste Banksy s’est servi d’un missile pour symboliser la volonté de la mairie de Londres d’effacer tous les graffitis disgracieux des murs de la capitale juste avant le top départ des J.O. Une œuvre pied-de-nez, à la simplicité redoutablement efficace.
Pour d’autres artistes, bombes, missiles et grenades restent de parfaits symboles de certains travers humains. Phallique chez David Lachapelle, le bâton de dynamite devient l’attribut prêt à exploser du facétieux rappeur Eminem dont l’impertinence et l’imprévisibilité sont un grain de sable dans l’engrenage bien huilé de la société américaine bien pensante. Pour le graphiste Marko Koppe, il est aussi question de bombe et de sexe mais cette fois-ci au féminin avec sa grenade érotique dont les formes sont dessinées par celles de femmes nues. Autre utilisation de cette famille d’objets, les œuvres de l’artiste autrichienne Kiki Kogelnik très influencée par le pop-art américain et qui à plusieurs reprises s’est servie d’ogives comme d’une toile à peindre et donc comme d’un support d’expression. Encore plus esthétisantes, les œuvres de Mauro Peruccheti transformant la grenade, objet de guerre, en véritable objet de convoitise. Ses sculptures translucides élèvent en effet au rang de bijoux précieux, cet objet pourtant destiné à tuer. Une transformation plastique que l’on retrouve également chez le duo à la mode Viktor and Rolf dont le dernier parfum « SpiceBomb » s’est vu capturé par un écrin guerrier. Toujours dans cette veine du détournement Peter Gronquist et sa mignonne petite bombe kawaii ou encore Charles Krafft et sa bombe façon faïence de Delft.
Plus énigmatiques, voire impénétrables, les œuvres de Cosima von Bonin, David Shrigley, Inigo Manglano-Ovalle restent des reproductions de missiles et de bombes menaçantes renfermant beaucoup de mystères. Raison de plus pour terminer sur une note d’optimisme avec ce dessin du duo Mrzyk et Moriceau, une œuvre souriante, idéale pour vous donner rendez-vous dans une quinzaine de jours pour la suite de cette exploration en territoire miné.