Barbara Navi cultive les couleurs nocturnes afin d’accorder au réel une force poétique étrange. Elle introduit sur ou dans le paysage des éléments perturbateurs. Les placages – qui jouent de la redondance ou de l’opposition – cassent l’organisation plastique de base pour initier un espace autant en équilibre qu’en déséquilibre, en réalisme qu’en fantaisie. Cette charnière, perturbe la réalité au moment où les états naissants de la peinture restent des crépuscules sans toutefois évoquer une quelconque nostalgie.
Le regardeur est simplement perdu dans une dialectique du rêve et du réel, du jour et de la nuit au sein d’une anamnèse picturale par laquelle Barbara Navi n’idéalise rien. Elle crée un appel d’air. Fouillant le monde elle n’en retire pas seulement des vestiges ou des ruines elle le porte vers un futur dans l’embrasement de lumières sombres. Chaque paysage ou narration devient plus qu’ailleurs une cosa mentale dont la vibration tient autant de l’affect que de la pensée.









Par de tels lieux transposés par l’artiste remontent des questions généalogiques: Pourquoi étions-nous dans ces murs? Que sommes-nous dans le temps? La peinture en les soulevant acquiert une troublante souveraineté au moment même où la créatrice déspatialise l’espace en un effet de mur sur lequel nous buttons mais à travers lequel s’inscrit une transparence puisque l’artiste nous le fait traverser par effet de surface.
Chaque tableau devient ainsi frontière et seuil. Les vieux enfants que nous sommes scrutent alors ces vieux espaces, estiment le temps car l’artiste nous rappelle que ces lieux qui restent présents sont la pâte de nos vies. Pour autant Barbara Navi ne fait pas de nous des narcisses mélancoliques rendus dépressifs par la maladie de l’idéalité des verts paradis d’amours enfantines. Montrant des lieux plus ou moins interlopes elle met à mal l’ankylose visuelle, crée un regard neuf en des toiles. Plutôt que de fixer une image elles deviennent des processus nomades.










