Au fin fond de la France, dans ses parties les plus éculées et rurales, il n’est pas honteux de dire que l’on voit un rebouteux ou une voyante. Qu’il y a des sagesses millénaires sur lesquelles la science moderne n’a pas de prise. On y croit aux signes, on se repose sur des messages spontanés du monde qu’il est tout aussi évident de dénoncer comme étant de la superstition sans fondement que de respecter pour ce qu’ils comportent de bon sens.

Dans les grands noyaux urbains pourtant, il est assez clair que ces croyances sont dénigrées, sinon oubliées. Et pourtant, depuis le minitel et son 3615 Irma, les nouvelles technologies, dans ce qu’elles ont d’incommensurable, semblent offrir un refuge aux âmes en quête de sens. Insaisissable et mystérieuse, la machine devient en effet peu à peu l’égale de l’homme, ou du moins un élément de plus en plus « naturel » de son environnement – un référent comme un autre. Qu’elle renâcle à démarrer, aussitôt je ne m’en suis pas assez bien occupé. Que mon ordinateur refuse de charger un document, c’est que je ne devais pas m’en soucier, qu’il y a quelque chose de plus pressant sur lequel je dois porter mon attention.

En outre, qu’y a-t-il de plus naturel que de consulter Google pour avoir la réponse à nos questions, passées, présentes ou à venir? D’ailleurs, il est de plus en plus évident que si la réponse ne nous convient pas, nous attribuons une charge mystique à ce manque. Ce phénomène est, sans qu’on ait besoin de l’expliquer ici, démultiplié sur les différents réseaux sociaux: intermédiaires et barrières entre moi et l’Autre – j’interprète, transforme et cherche des signes dans chaque nouvelle ligne ou image qui paraît au gré des manifestations virtuelles de mon réseau. Dans un monde défini par l’hyper exhibition, je cherche encore à creuser la peau du réel, à la retourner pour y lire des directions sur une éventuelle marche à suivre.

Psytrope est une machine qui ne ressemble à rien. Par son aspect, elle pourrait éventuellement s’apparenter à un sèche cheveux, telles ces machines vrombissantes que l’on trouve parfois à la sortie des piscines municipales. De même, elle pourrait avoir une fonction inconnue, aussi purement administrative et insondable qu’un compteur électrique.

Psytrope, Arthur Hoffner et Anne Devoret Psytrope, Arthur Hoffner et Anne Devoret ©
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Mais il n’en est rien, cette machine à l’aspect neutre est en réalité une réponse poétique aux questions cruciales qui nous accompagnent à chaque pas et auxquelles on ne sait réagir avec rationalité. Son équivalent le plus proche serait le distributeur de bonbons et autres surprises qui tend les bras aux enfants en sortie de supermarché et dans les fêtes foraines. Psytrope, à mi-chemin entre le kaléidoscope et la longue vue, réagit à des questions qui ne lui sont pas posées. Comme la voyante qui n’a besoin de rien d’autre que de sa boule de cristal pour savoir de quel mal être profond souffre son patient, Psytrope offre une réponse d’ordre métaphysique à celui qui glisse dans sa fente une pièce de monnaie à la nuit tombée.

Bien entendu, il ne s’agit de rien d’autre que d’une machine préprogrammée, d’un engin bourré d’un nombre donné de sentences énoncées en fonction d’un algorithme. Rien de magique, absolument rien de mystique. Si ce n’est le geste. Celui de ses créateurs d’abord: avoir cerné ce besoin, ce manque fondamental que nous vivons, tous autant que nous sommes, à chercher vainement des réponses simples et absolue dans le maillage chaotique du vivant. Avoir ensuite conçu et proposé cet objet d’une simplicité désarmante, tant dans sa structure que dans les énoncés proposés: « Je vois un métro presque vide. Une voisine désorientée. Vos conseils l’aideront et interpelleront une autre personne. »

Le public hésite face à cette machine, la frôle, rit de sa présence en comprenant son côté second degré. Cependant, le sentiment qui saisit d’emblée est presque de l’ordre du tabou, celui qui fait qu’en aparté, on aurait bien aimé savoir ce que Psytrope pourrait nous conseiller. Il y a l’arrivée de l’été par exemple, et j’aimerais savoir ce qu’il va bien pouvoir m’apporter.

Psytrope, Arthur Hoffner et Anne Devoret Psytrope, Arthur Hoffner et Anne Devoret ©
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