Par ses peintures Antonio Santin joue de différents leurres afin de créer le doute. La femme y joue les belles endormies proches d’une mort que l’on suppose (et espère) plus petite que grande. Le tout dans un luxe de parures qui éventuellement peut cacher une supposée luxure. Mais il arrive que la figuration soit glissée (stricto sensu) sous le tapis. Ce qui provoque de nouveaux doutes: la mort ne serait-elle pas l’inacceptable?
De toutes ces stratégies (sans réponse absolue puisque les titres même des œuvres entretiennent le soupçon) surgissent des vies (nous les considérerons malgré tout comme telles) secrètes dont il est serait impossible néanmoins au voyeur de surmonter l’écart. Le regard se perd dans les moirures des robes ou des tapis. La femme s’y fait étoile plus ou moins filante au sein d’enquêtes filées dont la peinture porterait (le conditionnel est important) témoignage.
© Antonio Santin, série Still-lifes, Fall, huile sur toile, 300×200 cm, 2010 © Antonio Santin, série Still-lifes, Schönleinstrasse, huile sur toile, 240×180 cm, 2010 © Antonio Santin, série Still-lifes, Ofelia, huile sur toile, 250×160 cm, 2009
© Antonio Santin, série Rugs, Marea Roja, diamètre 240 cm, huile sur toile, 2013
© Antonio Santin, série Rugs, Nubes o nieblas, 200×220 cm, huile sur toile, 2012
© Antonio Santin, série Rugs, Volver, 200×290 cm, huile sur toile, 2013
Le voyeur devient un funambule au dessus d’un abîme ou un somnambule happé par les sommeils paradoxaux de femmes vues ou cachées. Tout cela appâte le regard mais le fragilise. L’esprit reste conscient d’une coquille qu’on appelle corps. Elle se situe soit dans l’ombre, soit dans l’espace sombre, lumineux d’une puissance impalpable. Soudain transparaît une émanation et une immanence paradoxales de la féminité là où tout semble régi par un parfait silence.
Certes la mort ne semble jamais loin mais tout laisse supposer quelques sourdes respirations et palpitations capables de provoquer des émotions équivoques. Chaque pose ou prise reste un lieu de solitude. Néanmoins celle-ci est battue en brèche par les couleurs, les volumes et les lignes qui polarisent les obscurs songes de l’être. À la frontière indécise du conscient et de l’inconscient se mitonne la densité d’une lumière étrange: celle que l’artiste accorde à la femme qui – peut-être – vibre sous l’horizontalité et le surplomb des saisies. Il faut donc avancer à pas comptés devant de telles cérémonies dont le sens ne cesse d’échapper soit du côté de la vie, soit de celui de la mort.
© Antonio Santin, série Still-lifes, Wuhao, huile sur toile, 170x251cm, 2014
© Antonio Santin, série Still-lifes, YEH, huile sur toile, 178×254 cm, 2013
Antonio Santin souligne une interrogation par des présences en absence (le sommeil, la disparition) en portant la peinture du côté de la fable donc de la vérité. Quoique saisies en plongées de telles présences écrasent le regardeur. Les œuvres créent par leur creusement une remontée. Leur langue devient un long baiser de Prince Charmant qui refuse d’accepter les constats dramatiques. La beauté des corps comme des textiles est soudain illuminée d’un soleil profond: il n’est en rien l’astre noir de la mélancolie mais l’aveu espéré que quelque chose peut encore être sauvé.
Au « pire » la vie existe hors d’elle-même et de ses postures. Elle résiste par les couleurs et les lignes qui remplacent le drame par un érotisme latent. On y cherche des indices, des traces pour que l’obscur du sommeil ou de la « couverture » laisse poindre le plus insistant avenir. Preuve qu’Antonio Santin tente d’arracher l’être à la terre au seul nom de l’amour. Celui que l’artiste porte aux femmes et à l’art.