Amigo fait passer du paroxysme de l’idéal à un abîme animalier. Il ne cesse de nous aiguillonner de sa paisible germination. L’animal reste pour lui un repère figuratif et poétique majeur. Il fabrique une perspective que nous voulons ignorer et rampe vers le tronc de nos heures. Il est aussi notre mémoire puisque partout où il rampe, il laisse une trace, une odeur, une hantise. L’art non seulement peut mais se doit à l’animal. Amigo le sort de sa coquille. Pour cette extraction et refusant tout repli il en fait un personnage au même titre que l’humain et devient aussi monstrueux que lui en des dessins que ne renierait pas Albrecht Dürer. Le monstre animal ou humain redessine le lieu de l’art et différencie le travail du deuil et de la mélancolie de celui du comique et de la drôlerie. Il rappelle que l’animal est un homme pour l’animal. Le dessiner revient à inscrire le bestiaire invertébré qui nous habite en tant que larve. Cela sert aussi à tatouer ce que nous prenons pour notre soupente ou notre garde-manger mais qui n’est qu’une coquille vide.
L’animal selon Amigo demeure donc fidèle à la condition humaine. L’homme en effet comme l’escargot ne cesse d’emporter sur son dos sa maison lorsqu’il feint de se déplacer et se contente de ramper en bavant. Dessiner l’animal en humain et l’humain en monstre revient donc à décrypter notre infirmité. Il suffit que l’artiste – et Amigo le prouve – soit lucide et qu’il ose les métamorphoses propres à illustrer ce qui nous affecte et nous grignote. Rappelons aussi qu’avant même et après l’art, au début comme à la fin de la terre il y a eu et il y aura l’animal. Nous restons donc moins élite qu’hélix parmi les hélix. Nous croyons les petits-gris et les vignerons ou autres bourgognes étrangers mais ils nous lient au peu que nous sommes. Il convient donc d’entrer dans leur colimaçon pour nous y débattre non sans ambiguïté et ce même si nous l’ignorons.
L’animal et son monstre dans l’œuvre d’Amigo appâte notre inconscient, le concentre pour percer de ses dents et de ses griffes notre peau. À travers lui l’artiste rappelle que nous ne sommes rien, à personne. Notre paquet de viande et de nerfs n’est qu’une masse visqueuse. Et il n’est pas jusqu’à notre sexualité dans notre auto suffisance à ressembler souvent à celle de l’hermaphrodite. Enfin, comme l’animal nous demeurons tapis dans notre jungle. Pour nous en défendre nous avons inventé le religieux et l’anthropomorphisme. Mais seul la bête dans sa patience infinie reste le sens de notre moindre. Il nous ramène à l’état de mollusque à ventouses. Il éclaire de sa mollesse notre état pâteux.
Cela permet de suggérer ce qui fait notre débauche paisible, notre pusillanimité voire notre absence de vertu. Par l’animal Amigo prouve enfin que ce que nous pensons reste une erreur conforme. Le dessiner revient donc à s’arracher à l’erreur mystique. Car ce qui habite l’être n’a rien à voir avec dieu sauf à penser que l’animal détient lui-même une spiritualité vagissante, connaît le mal et le bien. Ou qu’il est un Narcisse mélancolique. Ce qui – il faut bien l’avouer – peut se discuter mais n’est pas inéluctable. Amigo est là pour le rappeler dans ses devoirs de drôlerie et de monstruosité.