Il semble que pour l’artiste allemand Stephan Balkenhol tout ait commencé un beau jour par deux sculptures en bois représentant un homme et une femme. À partir de ces modèles, il aurait ensuite créé des déclinaisons par dizaines dont seules les postures, les couleurs et les tailles diffèrent. Leur point commun, car toutes semblent bien issues d’une unique famille: une facture naïve, douce, quasi inexpressive. D’autres pratiques viennent compléter son spectre en mettant en scène d’autres personnages: le portrait et le paysage sculptés, le dessin et l’installation, des disciplines différentes mais qui portent elles aussi la marque de fabrique du maître.

Après des études à l’Académie des Beaux-Arts de Hambourg, Stephan Balkenhol développe, dès le début des années 80, un ensemble de sculptures figuratives en rupture avec le courant minimaliste en vogue à l’époque. Par ses créations, il cherche très rapidement à prendre également ses distances avec le style brut de ses illustres compatriotes Georg Baselitz et Jörg Immendorff. D’une grande simplicité de forme, les œuvres de Stephan Balkenhol sont pourtant riches de nombreux détails. Figures et socles sont taillés à partir d’un seul bloc de bois, à l’aide d’un ciseau et d’un maillet. Ils ne font qu’un. Ils ne sont ni polis, ni poncés, se laissent traverser par des fissures devenant balafres et se couvrent de craquelures provoquant autour d’eux comme une sorte de vibration. Leur immobilisme nous frappe également. Mais ses créations ne sont pourtant pas totalement privées de vie. L’artiste utilise en effet des bois issus d’arbres fraîchement abattus permettant à ses œuvres, une fois terminées, de connaître un processus de vieillissement progressif. Le bois a la possibilité en quelques sortes de s’exprimer en changeant subtilement d’apparence.

Stephan BalkenholStephan Balkenhol, vue d’une exposition à ARNDT Singapore avec, au premier plan, l’œuvre Mann mit brauner Lederjacke und blauer Hose, 2013, 170 x 24 x 30 cm © Stephan Balkenhol / ARNDT Singapore
Stephan BalkenholStephan Balkenhol, Man with Green Shirt, 2013, painted wawa wood, 170 x 25 x 25 cm © Stephan Balkenhol / Stephen Friedman Gallery
Stephan BalkenholStephan Balkenhol, Mann mit roter Jacke mit Brückenrelief, 2013, painted wawa wood, 101 x 140 x 4 cm (panneau) – 170 x 24,5 x 24 cm (sculpture) © Stephan Balkenhol / Johnen Galerie

Stephan Balkenhol semble également s’amuser avec les échelles de ses statues, tantôt massives, tantôt minuscules. Leur sens s’en trouve métamorphosé. Le modèle masculin grandeur nature est ainsi tour à tour petit, fragile et vulnérable ou gigantesque et presque monstrueux. Pourquoi? Nous ne le savons pas.

Contrairement aux peaux laissées dans leur couleur naturelle, les vêtements, cheveux, bouches et yeux sont peints. Trois ou quatre couleurs, pas plus, appliquées avec minutie malgré toutes les bosses et tous les creux du bois. Elles ne semblent pas être choisies pour leur pouvoir symbolique mais simplement pour habiller les personnages, leur donner une identité, les ancrer dans la réalité.

Stephan BalkenholStephan Balkenhol, Harlequin, 1995, limewood and paint, 170 x 56 x 28 cm et Head of a Man, 1992, wawa wood and paint, hauteur : 380 cm © Stephan Balkenhol / Saatchi Gallery
Stephan BalkenholStephan Balkenhol, Man Lying on Platform, 1998, bronze, acrylic and stainless steel, 4,2 m de haut et 1,4 x 1,4 m pour la base  © Stephan Balkenhol / Nerman Museum of Contemporary ArtStephan Balkenhol© Stephan Balkenhol / Stephen Friedman Gallery
Stephan BalkenholStephan Balkenhol, Kniender junger Mann, 2013 © Stephan Balkenhol / Galerie Thaddaeus Ropac
Stephan BalkenholStephan Balkenhol, photo du studio de l’artiste incluant notamment l’œuvre Man with white shirt and black trousers, 2013, coloured bronze, hauteur : 190 cm © Stephan Balkenhol / ARNDT Singapore
Stephan BalkenholStephan Balkenhol, Ballerina, 2013, painted wawa wood, 224 x 95 x 88 cm © Stephan Balkenhol / Stephen Friedman Gallery
Stephan BalkenholStephan Balkenhol, Ballerina (detail), 2013, painted wawa wood, 224 x 95 x 88 cm © Stephan Balkenhol / Stephen Friedman Gallery

Stephan Balkenhol crée également de nombreux paysages servant souvent de background à d’autres sculptures ainsi que des portraits sculptés. Les visages qu’il exécute alors sont plus expressifs, bien différents les uns des autres et se rapprochent de la peinture tout en conservant ce style vraiment reconnaissable fait d’échardes et d’éclats de bois. Ses portraits, moins anonymes (certains sont clairement de vrais portraits) sont également plus chaleureux que ses sculptures traditionnelles. Mais, il n’est pas sûr que ce soit ce sentiment de proximité que recherche l’artiste. Il semble en effet considérer ses œuvres comme des miroirs dans lesquels il nous invite à nous regarder et qui sont susceptibles de nous interroger sur nous-mêmes. À nous donc de nous demander ce qui passe par la tête de ses figurines ou de les laisser nous observer, de leur créer une identité ou plutôt de nous demander ce que nous faisons là. Un jeu de regards et de réflexions particulièrement présent dans ses Memento mori, sortes de paravents en accordéon dans lequel il est possible de voir selon sa position un portrait ou une vanité.

Stephan BalkenholStephan Balkenhol, Woman (relief), 2013, painted poplar wood, 33 x 28,5 cm © Stephan Balkenhol / Stephen Friedman Gallery
Stephan BalkenholStephan Balkenhol, Man (relief), 2013, painted poplar wood, 47 x 31,5 cm © Stephan Balkenhol / Stephen Friedman Gallery
Stephan BalkenholStephan Balkenhol, vue d’une exposition à la Galerie Thaddaeus Ropac en 2009 incluant au premier plan l’œuvre Memento Mori, 2009, wawa wood paint, 200 x 204 x 20 cm © Stephan Balkenhol / Galerie Thaddaeus Ropac

Dans les années 90, le monde animal fait son entrée dans son répertoire. Dans sa ménagerie, des dromadaires, des vaches, des lions, parfois représentés au naturel et parfois transformés en créatures hybrides: homme à tête d’éléphant ou à cou de girafe par exemple. Bizarrement, ce n’est pas une impression de malaise qui naît de notre confrontation avec ces êtres mais au contraire, une sorte d’amusement… comme si nous parcourions les pages d’un ouvrage pour enfants. À l’occasion d’une exposition au Musée de Grenoble en 2010, l’artiste expose également un groupe de 57 pingouins, tous ne faisant qu’un avec leur stèle. De tailles légèrement différentes, celles-ci créent comme un paysage de banquise avec sa propre topographie et donnent vie à ce groupe d’oiseaux. Mais ne pourrait-on pas voir également dans ces socles une sorte de pied de nez aux œuvres des artistes du courant minimaliste comme Donald Judd mais surtout Anne Truitt et ses célèbres colonnes?

Stephan BalkenholStephan Balkenhol, 57 Pinguines (détail), 1991 © Stephan Balkenhol / Museum Für Moderne Kunst Frankfurt Am Main
Stephan BalkenholStephan Balkenhol, photographie d’une exposition à ARNDT Singapore incluant notamment au premier plan l’œuvre Figure Elephant man, 2013, coloured popplar wood, 200 x 64 x 34 cm © Stephan Balkenhol / ARNDT Singapore
Stephan BalkenholStephan Balkenhol, Homme-Girafe / Giraffenmann, 1995, bronze, acrylic and stainless steel, 4,2 m de haut et 1,4 x 1,4 m pour la base  © Stephan Balkenhol / ceaac

Stephan Balkenhol s’illustre également par ses projets monumentaux. Réalisées en bronze, ses sculptures, conçues pour affronter le temps, font souvent écho à un contexte particulier. Parmi celles-ci « Balanceakt », sculpture de plus de trois mètres de hauteur, représentant un homme marchant en équilibre sur un vestige du mur de Berlin et réalisée à l’occasion du vingtième anniversaire de sa chute. Stephan Balkenhol est également souvent sollicité lors de commandes publiques. On lui doit récemment un portrait de Richard Wagner pour la ville de Leipzig et plus récemment encore, une sculpture à l’effigie de Jean Moulin réalisée pour la gare de Metz.

Stephan BalkenholStephan Balkenhol terminant une sculpture à l’effigie de Richard Wagner pour la ville de Leipzig – Photographie : dpa © Stephan Balkenhol / Die Welt
Stephan BalkenholStephan Balkenhol terminant une sculpture à l’effigie de Jean Moulin pour la ville de Metz © ULI DECK / DPA / DPA PICTURE-ALLIANCE/AFP
Stephan BalkenholStephan Balkenhol, Balanceakt, 2009 © Stephan Balkenhol / Rainey Tisdale – CityStories (raineytisdale.wordpress.com)
Stephan BalkenholStephan Balkenhol, vue d’une exposition à la Galerie Thaddaeus Ropac en 2007 © Stephan Balkenhol / Galerie Thaddaeus Ropac

Né en 1957 à Fritzlar (Allemagne), Stephan Balkenhol travaille aujourd’hui en France dans la ville de Meisenthal et enseigne sa discipline de prédilection aux Beaux-Arts de Karlsruhe. Il est notamment représenté par la Galerie Thaddaeus Ropac (Paris/Salzburg), la Stephen Friedman Gallery (Londres) et la Johnen Galerie(Berlin).

Barbara Klemm, portrait de Stephan BalkenholBarbara Klemm, portrait de Stephan Balkenhol, 2011© Barbara Klemm