Le sculpteur Yoram Wolberger aime redonner aux miniatures leur taille d’origine et métamorphoser les figurines de notre enfance en œuvres. Entre ses mains, un petit soldat et un lapin blanc en plastique retrouvent ainsi les dimensions de leur modèle. Comme fraîchement sorties de leur moule, mal découpées et peintes à la va-vite, ses sculptures deviennent les acteurs de mises en scène nous invitant à porter un regard différent sur les symboles de notre enfance.
Yoram Wolberger est né à Tel Aviv en 1963. Il vit et travaille actuellement à San Francisco. À l’exception de quelques pièces de ses débuts, toutes ses œuvres sont fabriquées depuis 2001 selon le même procédé. L’artiste choisit son modèle: petits soldats, figurines représentant des cow-boys, des indiens, des animaux domestiques, ou servant à décorer les récompenses sportives et les gâteaux de mariage. Il fait ensuite réaliser un scanner du jouet choisi en trois dimensions. Puis, l’œuvre est produite par une machine et renforcée par de la fibre de verre. Le résultat: un jouet produit en masse devenant une pièce unique, géante, et dont tous les petits défauts sont reproduits, agrandis et donc révélés.
Au premier regard, on reconnaît l’objet de base mais celui-ci est comme transformé du fait de son agrandissement brut. Toutes les proportions étant respectées, apparaissent certains problèmes d’échelle. Les mauvaises finitions des contours créent des reliefs inattendus. Les petits défauts et autres marques de fabrique deviennent de véritables déformations ou d’étranges mutations. Peintes à la manière de leurs modèles, certaines de ces figurines se retrouvent également affublées de couches de peintures irrégulières. Les microscopiques billes noires leur servant d’yeux deviennent de grossières taches noires monstrueuses.
Pourquoi? Le but de l’artiste n’est certainement pas de nous amuser ou de nous faire retomber en enfance. Son objectif semble plutôt de nous amener à porter un autre regard sur des objets rassurants, simples, familiers qui par ce procédé d’agrandissement perdent leur innocence et s’ancrent dans une réalité plus crue.
Ainsi, ses affrontements entre cow-boys et indiens n’ont plus rien d’une partie de plaisir. Ils nous renvoient à la dureté des stéréotypes et des faits historiques et non aux aventures que nous imaginions petits. Ses animaux mutants semblent, quant à eux, tout droit sortis d’un cauchemar et non d’un coffre à jouets. Disposés les uns à côté des autres, tous malformés et encore plus chétifs, ils nous interrogent sur les aléas du clonage et de l’élevage à trop grande échelle. Leur ressemblance avec des vestiges pompéiens nous transporte également vers une époque future où les animaux auraient totalement disparu de la surface de la terre et dont il ne resterait que des moulages ou des fossiles approximatifs.
L’univers de Yoram Wolberger se prête à bien d’autres interprétations tant son procédé est original et nouveau. Un procédé qui rend ses œuvres aussi reconnaissables que trompeuses.
Yoram Wolberger est représenté par la Mark Moore Gallery