Portraitiste onirique et troublant, William Ropp déshabille ses sujets enfants et adultes à coups de clair-obscur. Dans la pénombre de son studio ou sous les nues des ciels africains, il utilise la lumière comme procédé de dévoilement du souffle intérieur. Quête obsessionnelle du soi authentique, ses vingt dernières années de questionnement photographique nous livrent des visages et des corps dont l’éclat semble tracer le chemin vers le royaume privé de l’individu. La beauté se fige d’emblée dans des apparitions spectrales d’une autre réalité et la photographie surgit alors comme une machine à capter un supplément d’âme inquiétante ou sereine. L’esthétisme sombre de William Ropp, tout de métamorphoses vêtu, jongle constamment entre deux réalités, entre un ici et un au delà.
Autodidacte né en 1960, William Ropp a fait ses premières armes au théâtre de la Manufacture de Nancy où il vit toujours, avant de co-fonder la compagnie de théatre X Compagnie. Entre 1988 et 2006, William Ropp travaille le noir et blanc argentique, la plupart du temps en studio avec une chambre. Les temps de pose s’échelonnent entre 2-3 minutes et 10-15 minutes. Les corps sont photographiés dans des miroirs déformants provoquant une certaine confusion de posture et les visages sont plongés dans une obscurité où William Ropp, libre de ses mains, danse avec un lampe de poche autour du modèle. Le faisceau de lumière polit alors les courbes et les galbes, les creux et les pleins, les aspérités et replis de la matière-peau. Sur chaque cliché, William Ropp cherche à saisir le rare moment de relâchement du sujet, l’apparition éphémère dans sa lutte intérieure du soi véritable.
William Ropp travaille sur le rêve et l’imaginaire, l’entre deux réalités dans le calme de son studio. Quand il s’agit de photographier en extérieur, afin de permettre à ses modèles de trouver le cocon protecteur similaire à celui qu’il crée en studio, William Ropp demande au sujet de fermer les yeux, d’affronter l’obscurité nécessaire à l’introspection afin de saisir l’instant où le sujet rouvre les yeux, le bref moment où il n’est pas encore revenu à la réalité extérieure. Les enfants sont des modèles privilégiés pour William Ropp. Qu’il les photographie inquiets, solaires ou immobiles, leur présence troublante à fleur de conscience n’a d’égale que leurs regards désarmants de véracité. William Ropp ne donne pas de titres à ses photographies, laissant une intégrale liberté à l’imagination et à l’interprétation de celui qui regarde.
Sur un coup de tête en 2007, William Ropp s’échappe du confort de son studio et embarque pour les grands espaces africains. Il crée alors une série onirique et animiste où chaque enfant semble être le fruit de la nature qui l’entoure. Entre ciel, terre et eau, jouant des horizons du rêves, la complicité et la confiance des enfants partagées avec le photographe frappe au premier regard. Loin des clichés de la photographie de l’enfance et de l’exposition voyeuriste de la misère africaine, William Ropp dévoile des enfants gantés d’une grâce surnaturelle et universelle.
Depuis 2010, William Ropp est passé à la couleur et au numérique livrant une série inspirée par la peinture classique. Alors que dans son travail du noir et blanc, il met un point d’honneur à éviter les retouches, il revendique une couleur traitée, travaillée puisque totalement maitrisable et proche du travail pictural. Les visages de cette série sont ceux d’enfants maltraités pensionnaires d’un institut près de Nancy. Pendant les prises de vues, William Ropp explique aux enfant qu’il souhaite photographier leurs rêves et leurs yeux clairs et limpides dont la pureté frappe de plein fouet. Ils apparaissent hors du temps et insaisissables, baladés dans l’absence-présence de l’imaginaire.
William Ropp a exposé dernièrement à la Maison Européenne de la Photographie et à la galerie Photo4. Deux livres en font l’écho: Mémoires rêvées d’Afrique et Faces aux Editions de l’Oeil. William Ropp poursuit actuellement son travail en Afrique sur les albinos sacrifiés du Cameroun et les rois africains.