Que cherche à faire le feutre de Vincent Broquaire? Pointé sur le quotidien, peut-être tente-t-il de nous faire porter un regard neuf sur ce qui nous entoure en nous montrant sa face cachée. Pas si simple, car à y regarder de plus près, ses dessins aux allures innocentes ont tout l’air de caricatures à la dent dure qui soulignent de manière indélébile les aberrations du monde dans lequel nous vivons.
Au fil des illustrations, se dessine une première impression. Vincent Broquaire s’exprime à la manière d’un parent répondant aux questions un peu pointues de l’un de ses enfants: « Une éclipse, mon chéri, c’est juste un monsieur qui verse de l’encre noire sur la lune. », « La lumière d’une ampoule? C’est une fourmi galopant sur un tapis roulant qui la fabrique. », « Et oui, derrière cette chute d’eau, il y a deux messieurs qui travaillent dur pour que l’eau coule. »
Vincent Broquaire, Bulb, 2012 © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, Sun, 2012, 65 x 50 cm © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, Élévation, 2012, encre sur papier, 30 x 42 cm © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, Big Rock, 2012 © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, Passage, 2011, dessin au mur, cadre, encre, 70 x 170 cm, œuvre présentée lors de l’exposition « Le Monde Pittoresque des Castors » à la galerie Octave Cowbell organisée à Metz par les commissaires anonymes ©
Vincent Broquaire, Passage (détail), 2011, dessin au mur, cadre, encre, 70 x 170 cm, œuvre présentée lors de l’exposition « Le Monde Pittoresque des Castors » à la galerie Octave Cowbell organisée à Metz par les commissaires anonymes ©
Vincent Broquaire, Expedition, 2012 © courtesy xpo gallery
Sans tirer un trait sur cette candeur, se dessine très vite une toute autre intention, celle de nous faire voyager entre réel et virtuel pour questionner notre soif de tout posséder et de tout contrôler dans un monde qui se « technologise » à toute allure.
Ainsi chez Vincent Broquaire, l’homme est capable de tout et se situe à la source de toute chose. Tel un dieu tout puissant, c’est lui qui fait se lever le soleil, dresse les montagnes et déplace les nuages. Hédoniste et fainéant, il s’invente un monde enjolivé et plus facile à vivre grâce à la machine. Mais dans cette société fantasmée, dans ce rêve de vie idéale, un gravier semble enrayer les engrenages. En effet, même si l’homme et la machine sont sur un pied (graphique) d’égalité, on se rend progressivement compte que tout ce progrès se referme comme un piège sur ses utilisateurs. Aveuglés et abrutis par tant d’applications, de fonctionnalités et de gadgets, ceux-ci ne se rendent même plus compte qu’ils deviennent à leur tour des robots.
Dans le livre « Domotique » sorti en 2012, Vincent Broquaire nous invite ainsi à entrer dans un catalogue d’équipements ménagers pensés pour nous faire rêver en plus grand. Recueil d’innovations farfelues, ces drôles de meubles et de machines lisent dans nos pensées, répondent à nos désirs et sont même capables de les anticiper. On y salive devant une roue à écran LCD imaginée pour nous faire faire le tour du monde, un lavabo-segway, des chaussons GPS ou un composteur-copieur dont le bénéfice-produit est de transformer vos déchets en impressions. De page en page, on assiste à une sorte de ping-pong entre l’homme et la machine où finalement le mécanique a l’air plus vivant que l’humain, souvent bouche bée devant tant de progrès et un tantinet prisonnier de ses propres pulsions de consommateur.
Vincent Broquaire, extrait de « Domotique », 2012, livre de 56 pages. Édition Julia Coffre et XPO Gallery Publishing © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, extrait de « Domotique », 2012, livre de 56 pages. Édition Julia Coffre et XPO Gallery Publishing © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, extrait de « Domotique », 2012, livre de 56 pages. Édition Julia Coffre et XPO Gallery Publishing © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, extrait de « Domotique », 2012, livre de 56 pages. Édition Julia Coffre et XPO Gallery Publishing © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, extrait de « Domotique », 2012, livre de 56 pages. Édition Julia Coffre et XPO Gallery Publishing © courtesy xpo gallery
Mais si l’homme a parfois l’air lobotomisé, la machine, elle non plus, n’est pas très vive et semble très vite castrée par ses propres limites: les moteurs cherchent mais ne trouvent rien, les images n’affichent que leurs excuses… Une vision de la technologie qu’il croise également avec le monde de l’art qui semble perdre de son authenticité, fragilisé par une course au digital où tout peut devenir une œuvre et passer aussi vite à la corbeille.
Sans aller jusqu’au plantage total, Vincent Broquaire nous met sous le nez qu’à vouloir tout rendre plus pratique, rapide et sexy, on finit par tourner en rond, voire se perdre. Un message qu’il distille au fil de dessins drôles et surprenants mais également sur d’autres projets incluant de la sculpture et de la vidéo.
Vincent Broquaire, Entrée en dialogue, 2012, dessin à l’encre © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, Spotlight, 2012, dessin au mur © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, Error, 2012 © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, Recherche, 2012 © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, Dessin, 2012 © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, iFat, 2012 © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, Loading, 2012 © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, Mountain Button, 2012 © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, Error, 2012 © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, Capture, 2012, encre sur papier, 22 x 30 cm © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, Bird, 2012, encre sur papier, 20 x 30 cm © courtesy xpo gallery
Vincent Broquaire, Le pays où la vie est moins chère, 2009, installation, dessin, papier plié, dimensions variables, projet exposé à la galerie Delko, exposition éponyme ©
Vincent Broquaire, Le pays où la vie est moins chère, 2009, installation, dessin, papier plié, dimensions variables, projet exposé à la galerie Delko, exposition éponyme ©
Vincent Broquaire, d’apparence simple, 2009, dessin présenté à l’exposition Balsa/Baudruche à l’ESADS, Strasbourg, exposition organisée par les commissaires anonymes ©
Vincent Broquaire, d’apparence simple, 2009, oeuvre présentée à l’exposition Balsa/Baudruche à l’ESADS, Strasbourg, exposition organisée par les commissaires anonymes ©
Né en 1986, Vincent Broquaire vit et travaille à Strasbourg, ville dans laquelle il a effectué une formation à l’ESAD (école supérieure des arts décoratifs) après avoir suivi les cours de l’EESAB (école européenne supérieure d’art de Bretagne) à Lorient. Il est actuellement représenté par la XPO gallery à Paris.