Vik Muniz est un plasticien et photographe né à São Paolo en 1961. Il vit et travaille aujourd’hui à New York. Ses reconstitutions et créations originales faites de substances et d’objets inattendus sont bien plus que des copies d’œuvres et des reproductions de clichés appartenant à notre mémoire collective. La preuve, en mots et en images.
De São Paolo à New York, l’itinéraire de Vik Muniz est comme son art: étonnant. Issu d’une famille modeste, il décroche à 14 ans une bourse pour assister à des cours du soir sur l’art. Il y découvre les chefs-d’œuvre de la peinture et de la sculpture académique et y apprend à dessiner. En 1980, il réalise une charte de lisibilité des panneaux d’affichages qu’il trouve impossible à déchiffrer. Une agence de publicité intéressée par son approche le recrute comme consultant. Vik Muniz y crée ses premières images. Un peu plus tard, un événement va donner un nouvel élan à sa carrière: il assiste à un règlement de compte dans la rue. Il est blessé par balle à la jambe. L’auteur du coup de feu, un homme riche, achète son silence avec une forte somme. Vik Muniz l’utilise en 1983 pour quitter son pays et partir à Chicago, puis à New York. Il y enchaîne les petits jobs, notamment chez un encadreur où travaillent d’autres artistes avec lesquels Vik Muniz ne tarde pas à partager un atelier. Il commence à créer des sculptures. Il se fait repérer par des galeristes et un marchand d’art, Stefan Stux, au milieu des années 80. L’une de ses premières œuvres médiatiques est « Clown Skull », un crâne au nez de clown en os réalisé en 1989.
Depuis une vingtaine d’années, l’artiste, fasciné par le pouvoir de l’image et l’optique, s’est spécialisé dans la reproduction de chefs-d’œuvre et de photographies médiatiques en usant de matières premières inhabituelles: poussière, mégots, détritus, feuillage, fleurs, fil de fer, confettis, lambeaux de magazines, sucre, chocolat, jouets, pièces de puzzle, extraits de nuanciers, diamants et caviar.
Années après années, des plus pauvres au plus nobles, ces matières sont collectées, classées et assemblées minutieusement sur des chantiers parfois titanesques en suivant un modèle pouvant être projeté au sol. Une fois terminée, cette composition est « immortalisée » par une photographie puis détruite.
Le style Vik Muniz rappelle inévitablement les peintures de Giuseppe Arcimboldo, artiste italien du 16ème siècle connu pour ses portraits faits de légumes, de fruits et de plantes. On pense également en le découvrant pour la première fois aux collages, montages et sculptures des Dadaïstes et des Surréalistes tels que Jean Dubuffet, Marcel Duchamp, Salvador Dalí ou Francis Picabia.
Copies non conformes de chefs-d’œuvre, trompes-l’œil, hommages éphémères… Difficile d’étiqueter son travail. Et ce qui compte finalement peut-être le plus, c’est que chacune de ses constructions photographiées nous pousse à avoir un nouveau regard sur un tableau ou une photographie maintes fois montrés et devenus banals malgré leur beauté. Ainsi, si les traits et les contours sont proches, les détails eux ne trompent pas et révèlent une délicieuse supercherie qui recommence encore et encore au fur et à mesure des œuvres. Et ce qui est encore plus frappant chez Vik Muniz, c’est cette envie de faire participer son public, de le faire entrer dans ses œuvres, pas seulement en l’invitant à regarder et à décrypter ses compositions, mais aussi en faisant travailler tous les autres sens. En effet, ne rêvez-vous pas de tremper vos doigts dans ses portraits en confiture ou en sauce tomate? N’avez-vous pas envie de souffler sur les pigments de couleur avec lesquels il reproduit les plus beaux paysages des Impressionnistes? N’aimeriez-vous pas pourvoir connaître l’odeur des fleurs et des feuillages lui servant à composer ses œuvres? Autant de désirs qui transforment ses copies plates en œuvres originales et en trois dimensions.
Et le souhait de l’artiste de rendre ses œuvres interactives peut parfois aller encore plus loin. Durant trois ans, il a ainsi collaboré avec des hommes et femmes vivant du ramassage d’ordures dans la plus grande décharge du monde à Jardim Gramacho près de Rio. De ces montagnes de poubelles, ils ont extrait la matière première pour réaliser ensemble une série d’oeuvres inspirées de leur propres vies et des toiles de Francisco de Goya, Michel-Ange ou Jacques-Louis David. Créées dans des hangars, photographiées puis vendues aux enchères chez Sotheby’s, elles ont permis à cette communauté de recevoir près de 250 000$. Un acte qui permet à la fois à l’artiste de renouer avec ses racines brésiliennes mais aussi d’insuffler un véritable message dans ses œuvres.
Et de message il est aussi question dans ses « Sugar Children », portraits des enfants noirs des Caraïbes réalisés en sucre blanc et qui pourraient bien être une amère allusion au travail harassant de leurs parents dans les plantations de cannes à sucre. Sa reconstitution en caviar d’un portrait de Vladimir Maïakovski réalisé en 1924 par Alexander Rodtchenko est peut-être elle aussi une référence à l’aristocratie russe que les deux hommes critiquaient farouchement. Quelques pistes à explorer le long des chemins en jouets ou des rivières de marmelade que l’artiste façonne tel un paysagiste ou un enfant.
L’artiste Vik Muniz possède un site personnel très riche. Il vous permettra de découvrir toutes ses œuvres classées chronologiquement ainsi que des photographies de certaines de ses expositions. Une rétrospective – Vik Muniz, Le Musée imaginaire – lui est consacrée à la Collection Lambert à Avignon (Hôtel de Caumont – 5 rue Violette) jusqu’au 17 juin 2012. À cette occasion un catalogue a été édité aux Éditions Actes Sud. Vik Muniz est représenté en France par la Galerie Xippas. Retrouvez également des photographies et des informations sur son film « Waste Land » réalisé à l’occasion de ses trois années passées à Jardim Gramacho sur le site du même nom.