Un entretien Boum! Bang!

Sans cesse à la recherche d’atmosphères sanglantes et terrifiantes dans les différents pays du monde, Tsurisaki Kiyotaka à déjà immortalisé plus de 1000 cadavres dans des scènes de crimes, d’accidents ou encore de suicides. L’écrivain, photographe et vidéaste japonais né en 1966, se situe dans une approche pseudo-documentaire très crue, avec des images qui mettent en avant un aspect choquant sur la violence et la mort. Un genre largement utilisé dans la cinématographie que l’on appelle mondo ou encore shockumentary. L’artiste s’est alors surtout démarqué pour son film « Orozco l’embaumeur » où il a suivit le quotidien d’un colombien dans la ville de Bogota durant la préparation de plus de 50 000 cadavres.

Mais il a également réalisé six livres de photographies dont deux furent publiés en France. Le premier, « Requiem de la Rue Morgue », présente des cadavres dans les différentes morgues à travers le monde et le second, « Révélations », propose un ensemble de cadavres décédés de mort violente. Dès 1994, après un passage dans le milieu de la pornographie en tant que réalisateur, il devient photographe spécialisé dans les cadavres. Rencontre avec un personnage discret et intriguant où chacun de ses clichés est un véritable choc émotionnel marqué sur la pellicule au service de la beauté du corps mort uniquement et en aucun cas du voyeurisme.

Tsurisaki Kiyotaka, Director Portrait
Tsurisaki Kiyotaka, Director Portrait ©

B!B!: Tsurisaki peux-tu te présenter et expliquer aux lecteurs de Boum! Bang! comment tu es parvenu à la photographie et au cadavre comme sujet principal?

Tsurisaki: Je suis un photographe de cadavres et également réalisateur et scénariste. J’ai commencé la réalisation et l’écriture de films pendant ma scolarité et je suis devenu photographe spécialisé dans la mort après une carrière comme metteur en scène dans la pornographie en 1994. J’ai photographié plus de 1000 cadavres dans les zones de non-droit et les zones de conflit du monde comme la Thaïlande, la Colombie, le Mexique, la Russie, la Palestine et ailleurs.

Quel objet penses-tu qu’une personne, peu importe l’âge, déteste généralement voir par-dessus tout? Les cadavres. C’est pour cela que je photographie la mort. Que veux-tu que les photographes choisissent d’autre comme sujet aussi puissant et avec autant d’impact ?

B!B!: Comment trouves-tu tous ces corps, une autorisation est-elle nécessaire?

Tsurisaki: J’ai accompagné la presse, la police, les secours et d’autres organismes qui s’occupent de transmettre des informations aux urgences. Je suis parfaitement freelance, donc je recherche et visite les pays où des permissions spéciales ne sont pas nécessaires pour photographier la mort.

B!B!: À quoi penses-tu quand tu photographies un cadavre?  

Tsurisaki: Chaque corps est différent, alors en tant qu’artiste je ne dois pas prendre parti pris vis-à-vis de ces cadavres.

Tsurisaki Kiyotaka, Two Packed
Tsurisaki Kiyotaka, Two Packed ©
Tsurisaki Kiyotaka, Colombian Embalmment
Tsurisaki Kiyotaka, Colombian Embalmment ©
Tsurisaki Kiyotaka, Death Scene
Tsurisaki Kiyotaka, Death Scene ©
Tsurisaki Kiyotaka, Death Street
Tsurisaki Kiyotaka, Death Street ©
Tsurisaki Kiyotaka, Factory Worker
Tsurisaki Kiyotaka, Factory Worker ©
Tsurisaki Kiyotaka, Froilan Orozco
Tsurisaki Kiyotaka, Froilan Orozco ©
Tsurisaki Kiyotaka, Funeral Procession
Tsurisaki Kiyotaka, Funeral Procession ©

B!B!: Travailler avec des gens décédés de morts violentes, est-ce que cela ne te place pas dans une sorte de relation émotionnelle avec eux?

Tsurisaki: J’essaie toujours. Un de mes thèmes les plus importants est la violence et je crois que je dois y faire face.

B!B!: Peux-tu expliquer le déroulement d’un shooting avec un cadavre?

Tsurisaki: Aucun commentaire.

B!B!: Tu te considères comme un artiste ou un photojournaliste? 

Tsurisaki: Je suis un artiste. Je n’apprécie pas la vérité, seulement la beauté. Mais je dois également dire que je suis réaliste.

B!B!: Les cadavres: est-ce uniquement esthétique ou essayes-tu de transmettre un message particulier? 

Tsurisaki: Les morts eux-mêmes sont essentiellement séduisants et transmettent de nombreux messages. Pour moi c’est un objet de débat délicat et difficile.

B!B!: Comment se comportent les spectateurs en regardant ton travail?

Tsurisaki: J’espère faire réagir le public, je crois qu’il réagit face à mon travail et semble répondre d’une manière plutôt positive.

Tsurisaki Kiyotaka, Inflamed
Tsurisaki Kiyotaka, Inflamed ©
Tsurisaki Kiyotaka, Jukai
Tsurisaki Kiyotaka, Jukai ©
Tsurisaki Kiyotaka, Jukai
Tsurisaki Kiyotaka, Morgue ©
Tsurisaki Kiyotaka, Jukai
Tsurisaki Kiyotaka, Murder in Bogota 1 ©
Tsurisaki Kiyotaka, Jukai
Tsurisaki Kiyotaka, Murder in Bogota 2 ©
Tsurisaki Kiyotaka, Jukai
Tsurisaki Kiyotaka, Murder in Bogota 3 ©
Tsurisaki Kiyotaka, Poh Teck Tung Graveyard
Tsurisaki Kiyotaka, Poh Teck Tung Graveyard ©
Tsurisaki Kiyotaka, Poh Teck Tung Graveyard
Tsurisaki Kiyotaka, Right Hand ©

B!B!: As-tu rencontré des problèmes en photographiant les corps morts? 

Tsurisaki: Toujours, comme tu peux l’imaginer. Surtout avec le développement de la mondialisation, les tabous modernes ont été de plus en plus mis en avant. J’ai pris plus ou moins de risques à photographier tous ces gens décédés. Mais aujourd’hui je suis vivant et je ne suis pas traumatisé.

B!B!: Comment était ta première exposition en France en 2006 à la Galerie Kennory Kim de Paris?

Tsurisaki: Brillante. Je crois que les esthètes français sont nos meilleurs partenaires. Nous avons véritablement le sens de la beauté en commun.

B!B!: Quelles sont tes influences artistiques?

Tsurisaki: Pier Paolo Pasolini, Robert Aldrich et Ozu Yasujiro.

B!B!: Peux-tu nous en dire plus sur ton dernier travail?

Tsurisaki: Mon nouveau film, « The Wasteland » a été distribué en Septembre. C’était le travail final de ma trilogie de shockumentaries ainsi que de la rétrospective de mes photographies sur les cadavres: « Death: Photography 1994-2011 » qui a été publié en Novembre. Les deux culminent avec des scènes poignantes de 311 catastrophes.

B!B!: Quels sont tes futurs projets?

Tsurisaki: J’ai l’intention de faire un film pornographique artistique.

Tsurisaki Kiyotaka, No title
Tsurisaki Kiyotaka, No title ©
Tsurisaki Kiyotaka, Shot to Death
Tsurisaki Kiyotaka, Shot to Death ©
Tsurisaki Kiyotaka, Species
Tsurisaki Kiyotaka, Species ©
Tsurisaki Kiyotaka, Stabbed to Death
Tsurisaki Kiyotaka, Stabbed to Death ©

B!B!: Les chroniqueurs de Boum! Bang! ont pour habitude de terminer leurs interviews par une sélection de questions issues du questionnaire de Proust. En voici quelques-unes librement adaptées:

B!B!: Ton groupe favori?

Tsurisaki: Iggy et les Stooges.

B!B!: Ton photographe préféré?

Tsurisaki: Enrique Metinides.

B!B!: Quel don aimerais-tu avoir?

Tsurisaki: La main de Dieu de Mas Oyama.

B!B!: Si tu étais un animal?

Tsurisaki: Je ne veux pas être un animal.

B!B!: La partie du corps?

Tsurisaki: Une main droite.

B!B!: Un poète?

Tsurisaki: Jim Morrison.

B!B!: Comment souhaites-tu mourir?

Tsurisaki: Je ne pense pas vouloir mourir en paix.

B!B!: Une couleur?

Tsurisaki: Rouge.

B!B!: Le pays où tu veux débuter un projet artistique?

Tsurisaki: La France.

B!B!: Si tu devais changer de métier, lequel?

Tsurisaki: Un soldat.

B!B!: Quel artiste aimerais-tu rencontrer de son vivant?

Tsurisaki: Yukio Mishima.

B!B!: Quel est ton principal défaut et ta principale qualité?

Tsurisaki: La sincérité comme qualité et aussi comme défaut.

B!B!: Et pour finir si je te dis « Boum! Bang! », tu me dis?

Tsurisaki: WTF.