« J’aime voir la corrosion détériorer peu a peu ce qui a été d’abord méticuleusement peint ».
Timothy Wilson très influencé par l’histoire de l’art aime à n’en pas douter la peinture baroque et ses détails. C’est une double dynamique qui agit à la vue de cette série: se dégage au premier coup d’oeil l’impression d’observer l’étude d’un détail de tableau, les esquisses d’une grande fresque. Mais à y bien regarder c’est un travail de sabordage qui est à l’oeuvre: les couleurs vives sont peu à peu rongées par un gris qui se veut invasif, les visages qui portent en eux le reflet d’une époque ont disparu pour ne laisser qu’une apparence globale que l’on devine mimer un détail pictural baroque. Les contours floutés rajoutent du fantomatique aux personnages. En effet regarder ses « Recent Works » c’est un peu comme être le témoin du travail du temps sur une fresque Renaissance. La corrosion devient le principe actif de sa créativité. Ainsi à travers cet emprunt évident à l’art inscrit dans l’Histoire et à la mise en place simultanée de sa destruction Timothy Wilson s’approprie sa propre histoire de l’art.
© Timothy Wilson, Meghan, huile sur panneau
© Timothy Wilson, Putti, huile sur panneau
© Timothy Wilson, Paul, huile sur panneau
© Timothy Wilson, Midnight Tussler, huile sur panneau
© Timothy Wilson, Putti II, huile sur toile
© Timothy Wilson, Thresher, huile sur toile
« Je trouve que la confusion peut être excitante lorsqu’elle révèle la lutte ».
On peut faire un lien évident entre ses « Recent Works » et sa série « Hauntlings »: l’énigmatique et le monstrueux sont les protagonistes inhérents à son travail.
Les portraits de cette série « Hauntlings » nous présentent des êtres laids. L’artiste nous montre ses monstres nés de la lutte entre sa toile et de son imagination. Leur chair est tissée de coups de pinceau qui dans la confusion mentale de l’acte créateur cherchent une forme. De cette lutte surgit ici un regard qui nous fixe et nous scrute, là un visage qui finit par ne pas se dévoiler, une bouche protubérante qui ne sourit pas ou bien une silhouette amorphe qui nous parle avec ses yeux. Des êtres qui ont en commun la laideur mais qui étrangement nous semblent toujours déjà familiers. Pas de réticence ni de rejet à la vue de ces monstres mais au contraire c’est une certaine bienveillance qui se dégage de ces trognes. Les affectionne-t-on parce qu’ils pourraient tout droit sortir de nos illustrations d’enfants? Toujours est-il que Timothy Wilson convoque l’imaginaire enfantin tapi en nous. Il titille cette capacité encore présente de percevoir des monstres là ou se pose notre regard d’adulte hagard, le même qui à la tête dans les nuages et qui y voit des animaux de toutes sortes. L’ensemble de ces portraits forme comme la galerie d’une descendance, devant nos yeux interloqués apparaît une histoire familiale et on se prend alors à imaginer les liens de parenté de chacun de ces personnages. Timothy Wilson crée sa propre mythologie qui nous laisse un gôut d’enigme et cela rien qu’à la lecture de certains titres donnés à ses peintures et à la difficulté du double sens en traduction française: « midnight tussler low exposure » ou bien encore « paint i think she’s the captains wife full » traduire peint en pensant qu’elle est l’épouse du riche capitaine. Son univers singulier, habité par l’expression oxymorique d’une joie lugubre est avant tout le signe d’une joie de peindre ce qui est dans sa tête.
© Timothy Wilson, Herman, huile sur panneau
© Timothy Wilson, Flitter, huile sur panneau
© Timothy Wilson, Burnt Plate, huile sur solin métallique
© Timothy Wilson, Raspberry, huile sur panneau
© Timothy Wilson, Smirker, huile sur panneau
© Timothy Wilson, Grim Grumble, huile sur panneau
© Timothy Wilson, Edith, huile sur panneau
© Timothy Wilson, Peeper, huile sur panneau
© Timothy Wilson, Blueberry, huile sur panneau
© Timothy Wilson, Captains Wife, huile sur panneau
© Timothy Wilson, Flail, huile sur panneau
Timothy Wilson expose à New York depuis le 6 novembre 2014, en attendant de nous présenter son travail à Paris au printemps prochain.