Sans Titre (Perfect Lovers) de Félix Gonzalez-Torres fait partie des oeuvres majeures de ces dernières décennies : elle se compose de deux horloges réglées synchroniquement à la seconde près. Souvent reproduite, maintes fois commentée, elle constitue une installation emblématique de la démarche du plasticien. Simon Nicaise, artiste français né en 1982 et représenté par la galerie Dominique Fiat, nous invite à (re)découvrir l’installation de Félix Gonzalez-Torres mais, surtout, perturbe notre regard, notre lecture et notre réflexion de l’oeuvre en ajoutant une unité, c’est-à-dire une horloge exactement identique aux deux autres.
Cette oeuvre – nouvelle – fait partie intégrante du «projet +1» engagé dans le courant de l’année 2007. Ce projet est pensé non pas comme une série mais plutôt comme un ensemble constituant une collection qui évoluera et s’enrichira au fil du temps. L’idée est originale. Comme le titre de la collection semble le supposer, le point de départ de la démarche consiste à ajouter une unité supplémentaire à une oeuvre connue. Les oeuvres en question sont empruntées au corpus de l’art conceptuel et minimal. Par exemple, le célèbre tas de bonbons de Felix Gonzales-Torres se voit alourdit d’un kilo. De même, un ballon de basket s’ajoute au trois suspendus dans l’aquarium de Jeff Koons (Three Ball Total Equilibrium Tank, Spalding Dr. J Silver Series). Des oeuvres de Sol Lewitt, Carl Andre, Daniel Buren, Donald Judd se trouvent perturbées de la même manière.
Cette unité supplémentaire, cet ajout, a pour but d’interroger, de perturber la logique interne de l’oeuvre. Elle déplace son centre de gravité, la déstabilise, bouleverse le regard et la lecture du spectateur. Le choix des artistes «récupérés» n’est pas anodin. Il s’agit de grands noms de l’histoire de l’art de ces dernières décennies. C’est une manière de s’approprier ces noms mais aussi leur valeur marchande, en faisant un pied de nez au marché de l’art.
Simon Nicaise a d’abord travaillé fictivement. En effet, les premières oeuvres sont des photos-montages. Un ensemble de trucages qui sont réunis au sein du catalogue d’exposition «fictif +1» de la galerie Addere. Encouragé par une participation à l’exposition «Seconde Main» au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, l’artiste a matérialisé son projet par une réappropriation d’une oeuvre de Donald Judd. Cette collection se renforcera au fil du temps et continuera – pour notre plus grand bonheur – à nous inviter à redécouvrir des oeuvres majeures et à engager réflexions et interrogations sur la base d’une perturbation +1.