Sebastian Bieniek est un artiste allemand de trente-neuf ans né à Czarnowąsy, en Pologne. Diplômé de l’Universität der Künste (Université des Arts) et du Deutsche Film-und Fernsehakademie (Académie de la Télévision et du Film allemand) à Berlin, Sebastian Bieniek se veut multiple et polyvalent. Si ses armes de prédilection sont la peinture et la photographie, il rajoute volontiers l’écriture, la performance et la vidéo à la longue liste de ses compétences. En 2007, il réalise ainsi « The Gamblers », film sans budget qui fera le tour de nombreux festivals. C’est toutefois bien à travers la photographie que l’artiste se fera connaître, plus particulièrement avec sa série « Doublefaced ». Un travail original et particulièrement intéressant car mis en lumière et très largement diffusé grâce aux réseaux sociaux tels que Facebook.
Tout commence en 2013, lorsque Sebastian Bieniek dessine un visage sur la joue droite de son fils malade, Bela. Fait particulier au dessin: l’artiste ne trace qu’un seul œil, utilisant l’œil droit de l’enfant pour compléter le visage. Ainsi naît « Doublefaced 1 », un premier essai qui mènera l’artiste à réaliser un ensemble de trente-quatre photographies fonctionnant toujours sur le même principe. Les dix premières photographies représentent toutes des modèles féminins, tête de profil, avec un visage tracé sur le côté. Seules les situations diffèrent. L’artiste s’amuse avec les positions, les cheveux, les décors, etc. L’effet est surprenant, voir déstabilisant, et demande au spectateur un certain temps d’adaptation. Fonctionnant comme un trompe-l’oeil, la lecture de l’image est double.
© Sebastian Bieniek, Doublefaced 1
© Sebastian Bieniek, Doublefaced 2
L’artiste ira encore plus loin dans l’illusion avec « Doublefaced 11 » Le modèle sera cette fois-ci photographié de face, son visage coupé symétriquement par une large mèche de cheveux et arborera deux visages tracés sur chacune de ses joues. Sur d’autres photographies, l’artiste réutilisera le jeu de la découpe symétrique en utilisant diverses astuces: barre de métro, pistolet, arbuste, etc. Tous ces objets morcellent les regards. Les yeux des modèles fonctionnent alors individuellement et viennent compléter ceux des dessins. La lecture devient triple. Trois regards peuvent être captés. Trois visages en un. L’idée se révèle à la fois simple et poétique. Tellement, que beaucoup d’amateurs réutiliseront ce système en réalisant leurs propres clichés qui se multiplieront à grande vitesse sur Internet. En diffusant son travail sur Facebook, Sebastian Bieniek collectera plus de 50 000 « J’aime » en un temps record. Le pouvoir de propagation des réseaux sociaux modernes n’est plus à démontrer. Le succès sera tel que même le célèbre chanteur Pharrell Williams copiera Sebastian Bieniek dans son clip « Marilyn Monroe ». Toujours sur le même concept, l’artiste réalisera deux séries d’huiles sur toile, intitulées « Two-Faced » et « Triple-Faced ».
© Sebastian Bieniek, Doublefaced 11
© Sebastian Bieniek, Doublefaced 21
© Sebastian Bieniek, Doublefaced 23
© Sebastian Bieniek, Doublefaced 42
© Sebastian Bieniek, Doublefaced 40
© Sebastian Bieniek, Doublefaced 20
© Sebastian Bieniek, Doublefaced 29
© Sebastian Bieniek, Doublefaced 28
© Sebastian Bieniek, série Doublefaced 43
Les visages et les trompe-l’oeil sont deux thèmes récurrents chez l’artiste. Également entamée en 2013, la série de photographies « Secondfaced » garde la même approche, quoique utilisant un vocabulaire plus dérangeant. « Secondfaced 1 » est un autoportrait. L’artiste y a le visage grimé d’un rectangle noir, mais seule une de ses paupières est noircie. Figure inquiétante, l’artiste devient son propre support, sa propre œuvre d’art. Dans « Secondfaced 5 » une jeune femme est photographiée de face un demi-cercle noir peint sur la partie gauche de son visage, forme qui vient compléter le visage d’un personnage sombre dessiné sur le mur du fond. Jouant sur la perspective, l’illusion fonctionne, et fait naître une ombre énigmatique et schizophrénique en arrière-plan. « Secondfaced 13 », présente quant à elle deux modèles côte à côte, tous deux ont le visage peint d’un demi-cercle qui vient achever un disque noir tracé sur les briques derrière eux. Les demi-visages, les individus, deviennent alors part intégrante de cet ensemble géométrique.
Pour les deux séries, « Doublefaced » ou « Secondfaced », la photographie permet uniquement de « capturer » le résultat. On pourrait parler ici de photo-performance associée au body-painting. C’est à travers le dessin et la peinture que Sebastian Bieniek sculpte les visages pour mieux les confondre avec leur environnement, proposant une lecture en plusieurs temps… Prouvant, qu’un visage peut en cacher un autre.