A mi-chemin entre le dessin, la peinture et la broderie, les œuvres de Sabatina Leccia invitent à la contemplation.

Depuis 2015, elle imagine des compositions abstraites où se mêlent fils de couture, perforations, encres, et différents papiers grâce auxquels elle élabore des paysages abstraits. Ne cherchez pas à déceler s’il s’agit de nuages, de minéraux, d’un fond marin ou d’une chaîne de montagnes ; l’artiste préfère laisser au regard du spectateur la possibilité de rêver.

Sabatina Leccia, Fragment, broderie, papier percé à l’aiguille, lin et papier de riz sur ARCHES, 30X42 cm, 2022
Sabatina Leccia, Fragment II, papier Canson, papier de riz et papier percé à l’aiguille sur Arches, 30×42 cm, 2022

Au départ, elle travaillait sur du drap et en très grand format. A partir de 2019, elle quitte pour un temps cet objet intime pour aller vers le papier et des dimensions plus classiques. Le processus est toujours le même. Elle entremêle des jeux de matières et des variations colorées. Elle assemble des encres ou des papiers sur lesquels elle vient ajouter de la couture ou des perforations à l’aiguille.

Les œuvres perforées de Sabatina Leccia, portent en elles l’héritage de l’abstraction lyrique ou du mouvement du Nuagisme des années 60, dans une variante que l’on pourrait qualifier de post-pointilliste.

Sabatina Leccia privilégie le travail de composition et de matière à travers des jeux de transparences et de profondeurs. La couleur est pour elle secondaire. Dans la série « Les blancs », elle compose des paysages oniriques avec des chutes de papiers et quelques points à l’aiguille qui viennent, ici et là, suturer. Le recours à cet outil n’est pas anodin. Qu’il soit accompagné d’un fil pour coudre ou bien d’une simple série de perforations, le travail de broderie revêt une symbolique forte et présage que nous ne sommes pas face à un simple paysage : il n’est pas seulement question de territoire et de géographie. L’on décèle aisément que ces cartographies abstraites jouent un rôle allégorique. En effet, la douceur poétique qui se dévoile des œuvres de Sabatina Leccia, dissimule la violence du geste laborieux de perforation et des traits successifs qui révèlent de nouveaux motifs. Par la répétition du geste, l’artiste exhorte la notion de souvenir d’un paysage réel ou fantasmé. Les perforations qu’elle assigne au médium agissent comme une sorte de suture, de révélateur de l’absence. Tout d’abord une absence, le blanc du papier, qui laisse deviner l’enjeu du vide et de la lumière, et comment ils s’apprivoisent l’un l’autre. Le spectateur est contraint à une proximité s’il veut découvrir tous les détails de l’œuvre. Mieux encore, c’est à cet endroit que le mystère se révèle à demi-mot. Et si l’absence de matière avait une visée cathartique ?

De Pénélope, à Clotho en passant par Ariane et Arachné, la mythologie gréco-romaine présente une pléthore d’exemples où déjà on conférait au travail de la couture des vertus de révélation du temps et de la mémoire. Ainsi, il s’esquisse dans la démarche de l’artiste une réflexion allant au-delà de la simple représentation de paysage, puisque émerge une pensée autour de la notion d’absence comme paradigme de la mémoire. Les œuvres perforées de Sabatina Leccia sont une ode au temps, où chaque perforation nous rappelle son inéluctable fuite et le caractère fugace et incertain de nos souvenirs d’un lieu pourtant familier.

Sabatina Leccia, Immersive Cloud, encre, BIC, crayon carbone, papier percé à l’aiguille sur CANSON, 27×36 cm, 2021
Sabatina Leccia, Abyss, encre, feutre et broderie sur lin, 50×33 cm, 2017
Sabatina Leccia, Explosion, encre et broderie sur lin, 32×45 cm, 2015
Sabatina Leccia, Explosion III, encre et broderie sur lin, 32×45 cm, 2015
Sabatina Leccia, Embroidered Painting, encre et broderie sur lin, 1mx80 cm, 2015
Sabatina Leccia, Nuage, encre, papier percé à l’aiguille, crayon carbone sur papier de riz, 20×30 cm, 2017
Sabatina Leccia, Crépuscule, encre, crayon de couleur, papier percé à l’aiguille sur Canson, 27×36 cm, 2021
Sabatina Leccia, Nebbia, stylo Bic et papier percé à l’aiguille sur Canson, 27×36 cm, 2021