L’artiste Rustha Luna Pozzi-Escot est née à Lima au Pérou en 1973. Elle vit et travaille à Bordeaux. Interrogeant la question de l’identité et du genre, sa démarche artistique est tournée vers la sculpture, la création textile, la photographie et l’installation. Se présentant comme observatrice des codes sociaux, cette artiste cherche à montrer des rapports déjà existant, notamment le rapport masculin/féminin, sans aucune arrière pensée politique.
Sa série « Les Femmes Armées » est constituée de 10 photographies de 190cm sur 100cm. Rustha Luna Pozzi-Escot se met en scène dans des représentations archétypales de la femme à travers le monde, réutilisant une iconographie nourrie par une perception occidentale. Elle incarne ces dix individualités qui semblent ne faire qu’une, se matérialisant dans l’artiste elle-même.
« Je me présente comme actrice dans certaines de mes pièces, en m’appropriant des gestes et des clichés qui introduisent le spectateur dans un espace-temps connu. En aucun cas il ne s’agit d’un autoportrait, mais bien d’une mise en scène à l’intérieur de laquelle le personnage principal est la femme. »
Bombe, 2009, Photographie couleur, 190x100cm © Rustha Luna Pozzi-Escot
China, 2009, Photographie couleur, 190x100cm © Rustha Luna Pozzi-Escot
Africa, 2008, Photographie couleur, 190x100cm © Rustha Luna Pozzi-Escot
Occident, 2008, Photographie couleur, 190x100cm © Rustha Luna Pozzi-Escot
Cette démarche fait écho aux expérimentations artistiques de Cindy Sherman, qui interrogeait entre autres, l’image de la femme au cours de l’histoire de l’art et la perception de celle-ci dans le monde moderne. Le travail de Rustha Luna Pozzi-Escot enrichit ceci en y apportant une dimension nouvelle: ce n’est pas tant « les » femmes qu’elle met en scène, c’est aussi leur iconographie. Pour cela, elle réutilise les attributs du quotidien et de l’intimité féminine pour en faire des costumes: la femme « Western » est vêtue d’une veste faite en bas de couleurs chair et de faux cils, « Asia » un kimono fait en disques démaquillants, « Andina » porte une tenue en chouchou et en portefeuille… Ceci ramenant au centre une des préoccupations essentielles de l’artiste: celle du genre et des attributs « culturels » qui définissent l’individu.
Western, 2009, Photographie couleur, 190x100cm © Rustha Luna Pozzi-Escot
Asia, 2009, Photographie couleur, 190x100cm © Rustha Luna Pozzi-Escot
Andina, 2009, Photographie couleur, 190x100cm © Rustha Luna Pozzi-Escot
En effet, les femmes représentées par Rustha Luna Pozzi-Escot sont toutes armées: la frontière entre femmes armées et femmes fatales étant parfois ténue. Les armes étant généralement, attribués au sexe masculin, ceci peut conférer à la série une dimension psychanalytique: ces femmes comblant leur désir de masculinité par le port d’un attribut revêtant une connotation phallique. Ces personnes se situent dans un monde où la frontière du genre n’est pas tout à fait fixée et où l’artiste choisit d’incarner plastiquement cette dualité masculin/féminin. Elle est les deux à la fois: cowboy virile avec un physique de poupée, Geisha docile avec un nunchaku ou une figure mythologique prête à se battre. Avec humour et finesse, l’artiste parvient à induire une réflexion sur notre propre identité: peut-on s’approprier les codes constitutifs d’un genre?
Mythologie, 2009, Photographie couleur, 190x100cm © Rustha Luna Pozzi-Escot
Par leur taille, les photographies de Rustha Luna Pozzi-Escot donnent une impression de puissance émanant de ces femmes armées. Elles dominent le spectateur tout en donnant une impression de sécurité. On se retrouve dans un entre-deux, un flou induit par un genre non-défini: des femmes qui nous ramènent à l’image de la mère, mais masculines, nous ramenant indubitablement à celle du père.
De son travail photographique, Rustha Luna Pozzi-Escot réalise des sculptures en résine et en poudre d’aluminium de 45 cm de hauteur. Marquant une forme de distanciation avec sa propre image tout en conservant l’essence des questionnements liés à son œuvre, ce médium confère à cette série une autre symbolique: celle de la poupée. Détournant la vision archétypale qui voudrait que le petit garçon joue aux soldats de plomb tandis que la petite fille s’amuse avec une poupée, Rustha Luna Pozzi-Escot propose une synthèse des deux, située dans un no man’s land du genre où toute ressemblance avec une figurine blonde au look de bimbo serait tout à fait fortuite.
Par ses questionnements sur le genre, Rustha Luna Pozzi-Escot présente une vision riche et pertinente de l’image féminine à travers le monde. Ces femmes ayant des attributs masculins incarnent une forme d’égalité qui n’est, hélas, pas encore à l’ordre du jour dans nos sociétés contemporaines. C’est aussi un des rôles de l’art, être en avance sur son temps…