Un entretien Boum! Bang!
Le photographe français Ruben Brulat est né en 1988 dans la commune de Laudun-l’Ardoise en région Languedoc-Roussillon. Son travail photographique étonnant consiste à poser nu en pleine nature sauvage. Ses modèles, qu’il s’agisse d’inconnus rencontrés au grès de ses périples ou de lui-même, se fondent littéralement dans les paysages capturés. Entretien avec ce jeune artiste poétique aux photographies conceptuelles, qui s’apparenteraient presque à de la peinture pour certaines.
B!B!: Comment êtes-vous parvenu à la photographie?
Ruben Brulat: La photographie s’est présentée à moi comme un outil à un moment donné. Ce médium m’a permis de canaliser et d’exprimer cette force qui m’appelait vers et avec la nature. Tout a démarré en 2008. J’ai pris mon premier appareil photo à ce moment-là.
B!B!: Quelles sont vos influences et vos sources d’inspirations?
Ruben Brulat: En marchant, j’observe, contemple et laisse venir ce moment où tout se réunit, comme une force qui appelle. Ensuite, je prépare l’appareil et le retardateur, puis je cours nu à travers les roches, la neige ou le sable… Je m’allonge ensuite à un instant précis et il n’y a plus de sensation de temps ni d’espace mais simplement le moment présent. Une paix s’installe, où je ressens tout et rien à la fois. Une extase m’envahit dans le silence.
B!B!: La symbiose entre l’Homme et la nature semble être votre thème de prédilection. Parlez-moi de ce leitmotiv dans votre travail.
Ruben Brulat: Cette quête est centrale. Les prémices de mon travail partent toujours de cette expérience, avec une performance au sein d’un milieu fait de nouvelles textures et de lieux. En me confrontant à la nature, j’essaie d’être en symbiose avec elle, même si ma condition d’être humain m’est toujours rappelée. Cette expérimentation est peut-être un point où l’Homme et la nature se rencontrent, pour un temps en tout cas. Je souhaite créer une voix qui puisse nous relier à ce qui nous entoure, à écouter ce que la nature nous dit.
B!B!: Vos modèles, rencontrés au grès de vos multiples périples à travers le monde, sont toujours photographiés nus et semblent perdus dans l’immensité des paysages capturés. Parlez-moi de vos choix esthétiques.
Ruben Brulat: Dans la série « Paths », réalisée durant mon voyage à pied d’un an et demi entre l’Europe et l’Asie, j’ai proposé à des inconnus que j’ai rencontrés sur mon parcours de les photographier. Tout au long de ce chemin, j’attendais que les paysages, les gens et les lumières se réunissent. Quand tout était réunit, en harmonie, soit il y avait une image, soit je continuais mon périple dans une quête utopique et le désir de voir l’image venir d’elle-même. J’ai réalisé quinze images, dont trois ont été détruites par un contrôleur douanier un peu trop curieux. Après avoir envoyé les films non développés à mon labo sur Paris depuis l’Asie, j’ai continué ma route vers le Japon. Les lieux comme les gens ont toujours été trouvés une fois sur place. Visuellement, les photographies sont prises verticalement de loin avec une chambre 4×5, pour augmenter le détail de chaque image. Elles ont toutes été effectuées en une prise dans une quête de romantisme.
B!B!: Comment votre travail a-t-il évolué et comment le décririez-vous?
Ruben Brulat: Je poursuis cette quête paradoxale de confrontation et de tentative de symbiose avec les éléments, et plus largement avec la nature. Je cherche à comprendre nos origines et le fondement de notre existence. Ma pratique est désormais protéiforme, puisque je travaille en ce moment avec des peintures ou des sculptures faites dans la nature par mon action et mon corps dans des lieux précis. J’ai également réalisé une vidéo se déroulant en partie dans le Danakil, en passe d’être terminée.
B!B!: Parlez-moi de votre dernière série « Commencements ».
Ruben Brulat: En pleine recherche en Indonésie, j’ai lu « L’Odeur du soufre » d’Haroun Tazieff, qui parle du Danakil, d’une dépression géologique ou encore d’un triangle de croûte terrestre s’enfonçant dans le manteau. De nombreux phénomènes ont lieu dans cette zone qui figure parmi les plus chaudes et sèches de la planète. Il y a des failles qui se poursuivent en créant le rift africain, berceau de l’espèce. J’y suis régulièrement retourné depuis deux ans pour poursuivre un travail d’autoportraits où toutes les textures et les sensations furent nouvelles. C’était une aventure intense dans une zone compliquée, entre l’Erythrée, l’Ethiopie et Djibouti. À l’instinct, avec l’aide des locaux et des chameaux, j’ai marché durant des semaines jusqu’à trouver un lieu où faire une image. De nouvelles directions et des échelles plus lointaines comme plus proches ont vu le jour. En photographiant des traces sur la roche, la quête de ces racines se rapproche.
B!B!: Quels sont vos futurs projets?
Ruben Brulat: Des peintures et des sculptures avec la nature dans les Andes et en Indonésie.
B!B!: Donnez-moi votre vision du monde.
Ruben Brulat: Notre condition nous montre le passé, mais le monde est là et n’est qu’un.